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Coronavirus : comment deux labos de Wuhan se retrouvent au cœur des théories du complot - Le Parisien

Le coronavirus continue d'agiter les théories les plus folles sur son origine. Alors que le pangolin est suspecté d'avoir joué le rôle d'hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l'homme, de nouvelles théories continuent de fleurir sur internet.

Le 15 février, Botao Xiao, professeur au laboratoire de médecine et de biologie synthétique de la South China University of Technology à Guangzhou, et Lei Xiao, d'un l'hôpital universitaire de Wuhan, ont publié une étude sur le portail ResearchGate, sorte de réseau d'échanges de connaissances à destination des scientifiques, sur l'origine du coronavirus. Leur thèse? Le virus pourrait s'être échappé de deux laboratoires qui étudiaient la transmission des virus par les chauves-souris, situés à proximité du marché aux fruits de mer de Wuhan, épicentre de cette épidémie qui a déjà fait plus de 2 000 morts depuis janvier.

Le premier serait le Centre de prévention et du contrôle des maladies de Wuhan et le second, le laboratoire de bio-sécurité de niveau 4, rattaché à l'Institut de virologie de Wuhan. Sa construction a été achevée en janvier 2015. Il conserve également des agents pathogènes à haut risque.

Mordu par une chauve-souris

Selon les deux chercheurs, « la séquence génomique des patients atteints est entre 89 % et 96 % identique au Bat Cov ZC45 coronavirus, qu'on retrouve chez la chauve-souris Rhinolophus affinis 1,2 ». Or, les chercheurs excluent l'hypothèse que des chauves-souris de ce type puissent avoir volé jusqu'à Wuhan, ou avoir été vendues sur le marché. Ils se basent sur une étude publiée dans la revue scientifique The Lancet qui montrait que, parmi les 41 premiers cas de coronavirus, 13 n'avaient eu aucun lien avec le marché de Wuhan.

Se basant sur des rapports municipaux et les témoignages de 59 personnes recueillis sur place, les deux chercheurs expliquent que « la probabilité pour que des chauves-souris aient volé jusqu'au marché est très faible », ajoutant que « la chauve-souris n'a jamais été une source de nourriture pour les habitants de la ville ni vendue sur le marché ».

Botao Xiao et Lei Xiao ajoutent que la chauve-souris Rhinolophus affinis ne vivrait pas dans la province de Hubei où se trouve Wuhan, mais dans le Yunnan ou le Zhejiang, à 900 km de là. Ce qui, selon eux, conforterait leur thèse selon laquelle le marché aux fruits de mer ne serait pas le point de départ de l'épidémie.

Les chercheurs mettent en cause le Centre de prévention et de contrôle des maladies de Wuhan, qui aurait, selon eux, abrité pas moins de 605 chauves-souris ces dernières années pour les étudier. Citant un article du Changjiang Times, ils rapportent que l'un des employés du laboratoire aurait été « attaqué par des chauves-souris et que le sang de l'une d'elles a giclé sur sa peau », nécessitant une quarantaine. Lors d'un second incident, « l'homme se serait mis en quarantaine après avoir vu un des chiroptères lui uriner dessus ».

Autre indice pour nos deux chercheurs : la proximité entre le marché et un des laboratoires. Selon eux, le Centre de prévention et du contrôle des maladies de Wuhan se situerait à seulement 280 mètres du marché aux fruits de mer dont l'épidémie serait partie. « Il est plausible que le virus ait fuité dans les environs et qu'il ait contaminé les premiers patients », expliquent-ils.

Les deux chercheurs concluent leur étude en recommandant un « renforcement des mesures de sécurité » dans les laboratoires présentant un fort danger biologique et leur déménagement « loin des centres-villes et des zones à forte densité de population ».

Incohérences et raccourcis

La thèse défendue par cet article scientifique comporte de nombreuses incohérences. D'abord, ses auteurs excluent la possibilité d'un hôte intermédiaire qui aurait transmis le COVID-19 à l'homme. Pourtant d'autres chercheurs ont évoqué l'hypothèse selon laquelle le serpent ou le pangolin auraient rempli ce rôle. Selon une récente étude, les génomes de ce virus et de ceux qui circulent chez le pangolin sont identiques à 96 %.

Sur Twitter, le journaliste Alan Wong pointe aussi une imprécision à propos des chauves-souris évoquées dans l'article. Ces dernières ne seraient pas uniquement présentes dans les régions de Yunnan ou Zhejiang mais « l'une des espèces les plus communes dans le sud-est de l'Asie ».

Enfin, l'article comporte une erreur d'appréciation concernant les laboratoires. Comme on le voit sur Google Maps, le Centre de prévention et du contrôle des maladies de Wuhan n'est pas situé à 280 mètres du marché de Wuhan, comme précisé, mais à 1,6 km. Seul un hôpital se situe aussi près du marché.

Le Centre de prévention et du contrôle des maladies de Wuhan ne situe pas à 300 mètres du marché aux fruits de mer./Google maps
Le Centre de prévention et du contrôle des maladies de Wuhan ne situe pas à 300 mètres du marché aux fruits de mer./Google maps  

Quant au laboratoire P4, il est situé dans le district de Jiangxia à plus de 40 kilomètres du marché aux fruits de mer de Huanan, comme le précise le Global Times, et non à 12 kilomètres du marché, comme le prétendent nos deux chercheurs. Dans un communiqué relayé sur Twitter, le laboratoire a « nié qu'un de ses diplômés soit le « patient zéro » du coronavirus », ajoutant que l'identité du patient zéro était encore inconnue.

Contacté par Sciences et Avenir, le directeur du département des zoonoses du WHCDC indirectement mis en cause, Zhang Yong-Zhen, dénonce « une fausse histoire racontée par des personnes très bêtes, sans aucune connaissance professionnelle ». Il ajoute que « les séquences génomiques de virus de chauves-souris les plus proches du coronavirus humain ne proviennent pas du laboratoire de Wuhan, mais d'un autre site, à Nanjing dans la province du Jiangsu […] Par ailleurs, nos recherches sur les chauves-souris à Wuhan ont été réalisées il y a 7 ans. »

Des théories du complot très relayées

Compte tenu de l'inquiétude suscitée par le coronavirus, et des nombreuses inconnues sur l'origine du virus, les théories du complot vont bon train ces dernières semaines.

Comme le rappelle Science et Avenir, le compte Twitter du blog Zero Hedge (670 000 abonnés), a été définitivement suspendu après avoir relayé plusieurs théories farfelues sur l'origine du coronavirus, mettant notamment en cause un chercheur du laboratoire P4.

Aux Etats-Unis, le sénateur de l'Arkansas Tom Cotton a récemment suggéré sur Fox news que les autorités chinoises dissimulaient une fuite du virus depuis le laboratoire P4 de Wuhan. Interrogé par le Washington Post, Vipin Narang, un professeur associé au MIT, a répondu que cette hypothèse était « hautement improbable ».

Quelques jours après sa publication, l'article scientifique a été retiré de la plateforme ResearchGate par ses auteurs. Sa suppression a bien évidemment contribué à alimenter les théories du complot sur l'origine du coronavirus. Mais peut-être les deux chercheurs ont-ils fait marche arrière face aux critiques. Des captures d'écran restent disponibles sur le site Web archives.

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