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Ces « entendeurs de voix » qui ne sont pas fous - Le Monde

Camille Lévêque pour M Le magazine du Monde

Ça a commencé une nuit il y a dix ans. Léo, 17 ans, dormait à l’internat, dans un lycée du Mans. « Un soir, j’ai entendu quelqu’un m’insulter et me faire des propositions dégradantes. » Le jeune homme ouvre les yeux, personne ne lui parle. Pourtant, dans sa tête, la voix poursuit son monologue. Elle est accompagnée de sensations physiques oppressantes : « J’avais l’impression qu’on essayait de m’étrangler. » À l’époque, Léo ignore ce qu’il lui arrive. Mais tout va mal autour de lui : sa mère a un cancer et son père vient de tomber en dépression. « C’est la seule époque de ma vie où j’ai eu des pensées suicidaires. »

Léo consulte déjà une psychanalyste depuis trois ans, mais il ne lui en parle pas. Son père est le seul au courant : il ne s’alarme pas, mais lui cache alors que lui aussi a déjà entendu des voix. À cette époque, le phénomène s’ajoute à d’autres problèmes. « Mon vrai souci à ce moment-là était mes relations sociales. » Léo, solitaire et incompris, se sentait rejeté par les autres. Les voix s’installent et la vie s’arrête. « Je parle souvent de la période allant jusqu’à mes 24 ans comme d’une vie entièrement virtuelle. Je passais mon temps à regarder des séries, des films, des BD pour fuir mes problèmes. »

Sa sœur, Zoé, quitte le lycée pour l’hôpital ­psychiatrique. Elle aussi entend des voix : on la diagnostique schizophrène. Durant quatre mois, elle ne prononce plus un mot. Léo, lui, ne sera pas interné. Sa chance est que son entourage ne l’a « jamais foutu en psychiatrie », juge-t-il aujourd’hui.

Le précieux soutien des groupes de paroles

Les années passent, les voix ne se taisent pas. Pendant ce temps, la famille cherche tous les moyens pour aider Zoé. Avec sa mère, Léo découvre une association : le REV, Réseau français sur l’entente de voix, qui propose des groupes de parole. Il s’y rend d’abord par curiosité. Nous sommes en 2015 et, enfin, des ponts vont se créer. « J’ai réalisé grâce au REV et à ma nouvelle psychothérapeute que j’avais été victime de quelque chose. » Léo fait le lien entre les voix et deux abus sexuels subis à 6 et 14 ans. Il avait enfoui l’un des deux. « À partir du moment où je me suis collé l’étiquette de traumatisé, j’allais mieux : ce n’était donc plus de ma faute, je n’étais pas un raté. »

Peu à peu, il identifie les voix : ce sont celles de ses agresseurs, son grand-père et une autre personne. Elles surgissent deux ou trois fois par semaine – avant, c’était tous les jours – et se manifestent surtout avant de dormir. Elles prononcent souvent des mots qui le rabaissent. « Tu sers à rien, t’es nul, tu vas crever. » Parfois, les paroles s’accompagnent de visions et d’une impression d’étouffement. « J’ai la sensation d’un souffle sur mon visage, que mes agresseurs se tiennent devant moi. »

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