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Coronavirus : « On en apprend tous les jours »… Comment les soignants ont vu leurs certitudes vaciller - 20 Minutes

Montereau (Seine-et-Marne), le 9 avril 2020. Dans le service de réanimation où sont soignés les malades les plus graves atteints par le coronavirus. — V. VANTIGHEM
  • L’épidémie de coronavirus a fait 12.210 morts au total en France, dont 8.044 à l’hôpital et 4.166 dans les Ehpad.
  • A l’hôpital de Montereau (Seine-et-Marne), tous les soignants expliquent qu’ils n’avaient jamais vu une telle situation sanitaire jusqu’à présent.
  • 20 Minutes s’est rendu dans le service de réanimation pour découvrir comment ils se sont adaptés.

Au centre hospitalier de Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne),

Des semaines après, Émilie ne parvient toujours pas à trouver les mots justes pour décrire la scène. « En fait, la première fois que je les ai vues, ça m’a interpellé les yeux ! », finit par lâcher l’aide-soignante. « Ça », ce sont quatre grandes bouteilles d’oxygène posées à même le sol dans le service de réanimation, au troisième étage de l’hôpital de Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne). A peine attachées par une grosse chaîne de vélo et du scotch noir. Pas vraiment conforme à la procédure…

« On les a posées là au cas où le système de ventilation classique viendrait à tomber en rade d’un seul coup, explique Benoît Fraslin, le directeur de l’établissement. On n’avait jamais fait ça. Mais avec le coronavirus, cela va tellement vite qu’on a préféré prendre les devants pour sauver des patients… » De l’autre côté du couloir, dans cette aile, ils sont douze à être plongés dans un coma artificiel derrière de lourdes portes coulissantes. Intubés, ventilés. Sous surveillance continue à cause du Covid-19.

« C’est un truc qu’on ne connaissait pas. On en apprend tous les jours sur le coronavirus, résume Bertrand Devaux, chef du pôle dans l’établissement de Seine-et-Marne. Nous ne sommes que d’humbles médecins. Habituellement, on applique ce qu’on a lu dans la littérature. Mais là ? On lit les conseils qui viennent de [l’hôpital] Bichat. De Tenon. On appelle les copains de Mondor. Personne ne dit la même chose ! »

Montereau (Seine-et-Marne), le 9 avril 2020. Des bouteilles d'oxygène de secours sont prévues en cas de défaillance du système principal.
Montereau (Seine-et-Marne), le 9 avril 2020. Des bouteilles d'oxygène de secours sont prévues en cas de défaillance du système principal. - V. VANTIGHEM

Toux, fièvre, perte du goût, rougeurs… Des symptômes pas clairs

Comme tous les soignants de France, le médecin a vu ses certitudes vaciller avec l’arrivée de ce virus. Et avec ses collègues, il tente de s’adapter chaque jour. Chaque heure presque. Grâce à un mélange de système D, d’huile de coude et de bonne volonté. « Par exemple, on s’est rendu compte que certains patients s’effondraient en quelques minutes ! Sans prévenir, explique son collègue Lahcène Foudi. On a donc demandé à un médecin de rester en réanimation pour prendre en charge uniquement ces patients-là… »

Difficile, d’ailleurs, d’établir un profil type. « Au début, on pensait que cela ne touchait que les personnes âgées, poursuit Bertrand Devaux. On a changé d’avis quand on a récupéré une jeune fille de 28 ans… Alors bien sûr, le diabète, l’hypertension sont des facteurs aggravants. Le tabac n’arrange rien. Et le surpoids est une catastrophe. Mais une fois que vous avez dit ça, vous n’êtes pas plus avancé… »

« J’ai le coronavirus, il me faut de la chloroquine… »

D’autant que les symptômes ne sont pas clairs. Fièvre et toux évidemment… Mais il a fallu attendre plusieurs jours pour découvrir que certains malades avaient perdu le goût ou l’odorat. Et encore un peu plus pour faire le lien avec ceux présentant des rougeurs au niveau des mains ou des pieds. « Certains patients affichent aussi une grande confusion, complète Bertrand Devaux. On a eu un homme complètement perdu. On lui disait de se lever et il se couchait. On lui demandait de tendre son bras et il pointait son index… »

Finalement, la seule chose qui ne varie pas, c’est l’attitude des malades. « Avant, on en voyait toujours arriver en disant ‘’J’ai mal au dos, il me faut une IRM !’’. Aujourd’hui, ils disent tous : "J’ai le coronavirus, il me faut de la chloroquine !’’ », glisse le praticien sous une affichette décrivant justement le protocole en la matière. Décrié, le traitement promu par le professeur Didier Raoult est ici utilisé avec parcimonie.

« Je n’ai pas vu ma fille depuis un mois, mais je suis à ma place… »

De l’autre côté du bâtiment, Émilie et les autres aides-soignantes s’apprêtent justement à relever les constantes des patients les plus gravement atteints. Vert, bleu, jaune…. Les couleurs des tuniques ne correspondent plus à rien. « Moi, ma hantise, c’est d’arriver un matin et de découvrir qu’il n’y a plus de masques dans l’armoire, avoue Solange. Notre équipement provient essentiellement de dons… » Cela aussi, c’est nouveau dans leur métier. De quoi faire flipper. Mais toutes ont le sourire. « J’ai envoyé ma fille dans la famille pour ne pas la contaminer. Je ne l’ai pas vue depuis un mois, mais je sais que je suis à ma place », résume joliment Émilie.

Bertrand Devaux confirme. « Tous les jours, j’ai la boule au ventre de le refiler à mes quatre gamins. Je rentre. Je me désape, je mange seul et je leur fais coucou de loin. Mais c’est notre boulot. Avant, j’aimais bien ce que je faisais. Aujourd’hui, je réalise que j’ai fait le bon choix de carrière… » Cocasse qu’il ait dû attendre 57 ans pour le réaliser. Et ce satané virus qui n’a rien à voir avec une petite grippette. La preuve ? Dans les couloirs de l’hôpital, une affiche d’un autre temps rappelle que la grippe a causé 7.200 morts en France en 2019. Le coronavirus, lui, en est déjà à plus de 12.210 morts. Dont sept entre les murs de cet hôpital.

Une affiche dresse le bilan de la grippe en 2019 à l'hôpital de Montereau où sont soignés des malades du coronavirus.
Une affiche dresse le bilan de la grippe en 2019 à l'hôpital de Montereau où sont soignés des malades du coronavirus. - V. VANTIGHEM
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