- Alors que l’épidémie reste active sur une grande partie de la planète, beaucoup d’espoirs reposent sur la course au vaccin contre le Covid-19.
- Plusieurs laboratoires ont annoncé cet été être entrés en phase 3 de leur essai clinique, qui doit déterminer si leur vaccin est efficace et s’il présente une balance bénéfice-risque positive.
- Quels sont les vaccins candidats les plus avancés ? Où en est le projet français ? Pour quand peut-on raisonnablement attendre ce vaccin ? 20 Minutes fait le point.
Avec une épidémie toujours importante dans de nombreux pays et aucun traitement pour y répondre, l’attente d’un vaccin est particulièrement importante. Chaque jour, quasiment, une entreprise ou un pays communique sur ses avancées côté vaccin contre le Covid-19. Pas évident de savoir si sur ce plan, la Russie va tous nous sauver, ou si la France a encore son mot à dire.
Pour tenter d’y voir plus clair 20 Minutes fait le point sur cette course planétaire au vaccin.
Quels sont les projets les plus avancés ?
« Entre 150 à 200 vaccins sont actuellement en développement, mais l’essentiel d’entre eux sont à des stades préliminaires », souligne Bruno Lina, professeur de virologie à l’Université Lyon 1.
Plusieurs centres ou laboratoires ont entamé des essais cliniques, c’est-à-dire des injections sur l’homme ; Trois d’entre eux sont dans le peloton de tête. « Trois projets de vaccins sont entrés en juillet en phase 3 : Moderna (entreprise américaine), AstraZeneca (laboratoire britannique) et Sinovac (laboratoire chinois), précise ce membre du Conseil scientifique. Et huit supplémentaires vont entrer en phase trois. Au bout du compte, on a onze vaccins qui, à ma connaissance, ont atteint des niveaux d’avancée importants. » Sachant que la phase 3, qui vise à vérifier l’efficacité du vaccin sur 30.000 à 40.000 personnes, est la dernière étape avant de demander une autorisation de mise sur le marché.
Et pour le vaccin français ?
L’Institut Pasteur poursuit trois stratégies différentes pour tenter de mettre au point un vaccin contre le Covid-19. Le plus avancé, c’est celui qui s’appuie sur le vaccin de la rougeole ; il est entré en phase 1 en juillet, avec un essai clinique sur 90 personnes. « On modifie le patrimoine génétique du virus utilisé dans le vaccin de la rougeole de façon à ce qu’il produise une protéine du coronavirus, explique Christophe d’Enfert, directeur scientifique de l’Institut Pasteur. Afin que le vaccin protège à la fois contre la rougeole et le coronavirus. Les études précliniques sont favorables : chez l’animal, on retrouve une réponse immunitaire, c’est-à-dire des anticorps qui vont empêcher le coronavirus de rentrer dans les cellules. »
Le deuxième projet utilise une stratégie semblable, mais s’appuie sur des lentivirus (dont fait partie le VIH). « Bien sûr, ces lentivirus ont été modifiés de façon à ne pas provoquer une maladie, reprend le spécialiste. Les résultats précliniques sont très encourageants. »
Troisième piste : un virus ADN. « Là aussi, les données précliniques sont très prometteuses, reprend Christophe d’Enfert. L’idée est de développer une molécule d’ADN qui permet à une cellule de produire une protéine du coronavirus. La vaccination va consister à injecter ces molécules qui rentrent dans les cellules, qui se mettent à produire une protéine, et vous déclenchez la réaction immunitaire. »
Pourquoi le vaccin russe laisse dubitative la communauté scientifique ?
Vladimir Poutine avait déclaré le 11 août qu’un premier vaccin « assez efficace » avait été enregistré en Russie par le Centre de recherches en épidémiologie et microbiologie Nikolaï Gamaleïa, à Moscou, en partenariat avec le ministère russe de la Défense. Son petit nom ? « Spoutnik V » (V comme vaccin), en référence au satellite soviétique. Mais très peu d’informations précises ont fuité sur ce vaccin russe et l’annonce a été accueillie avec précaution par la communauté scientifique. Certains soutenant même qu’un vaccin mis au point de manière précipitée pouvait être dangereux, alors que la phase finale des essais a seulement commencé cette semaine.
Le fonds souverain russe impliqué dans le développement de ce vaccin a affirmé que le début de la production industrielle était prévu en septembre. Mais depuis le début des recherches, l’institut Gamaleïa est accusé de rompre avec les protocoles habituels pour accélérer le processus scientifique. « Poutine est un politique, pas un scientifique, tacle Bruno Lina. A ma connaissance, cet essai commence la phase 1 de développement. L’urgence est réelle, mais il ne faut pas faire du "quick and dirty". »
Le vaccin, c’est pour quand ?
Le Britannique AstraZeneca et l’Américain Moderna ont annoncé qu’ils pourraient avoir fini leur essai de phase 3 d’ici à la fin 2020. « Cela peut paraître optimiste, reconnaît Christophe d’Enfert. Mais depuis le début de cette crise, les timings annoncés ont été respectés. Attention, résultats ne veut pas dire succès ! » Bruno Lina se montre plus prudent. « Il y a encore un nombre important d’étapes à franchir sur la sécurité et l’efficacité du vaccin. Si on arrive à aller très vite, on peut imaginer un vaccin courant ou fin d’année 2021 ». Mais si les trois vaccins les plus avancés dévoilent des essais de phase 3 négatifs, cela décalera le curseur. Rappelons qu’une phase 3 pour le développement d’un vaccin peut durer en temps normal entre trois et cinq ans…
D’autant qu’une fois qu’un laboratoire aura obtenu une autorisation de mise sur le marché, la question de la disponibilité de ce vaccin ne sera pas une mince affaire. « L’espace dans lequel on va distribuer ce vaccin, c’est la planète : si vous donnez deux doses à 7 milliards de personnes, ça veut dire 14 milliards de doses à produire, c’est plus que ce qu’on produit en un an dans le monde, avertit Bruno Lina. Il va falloir développer une stratégie de priorité de vaccination. Des projections supposent qu’il faudra plus d’un an pour vacciner tous les humains. D’autant que les laboratoires vont devoir fabriquer ce produit sans arrêter la production des autres vaccins…. » Mais certaines de ces firmes pharmaceutiques ont anticipé la demande et se sont mises en ordre de marche pour sortir des doses à grande échelle, avant même la validation de l’essai clinique. Ainsi, le Chinois Sinovac Biotech a annoncé qu’il était prêt à produire 100 millions de doses par an. « Il y a une mobilisation industrielle qui ne se fait pas d’habitude », conclut Christophe d’Enfert.
Pourquoi ça va aussi vite ?
Ne pas confondre vitesse et précipitation. Normalement, le développement d’un vaccin contre une nouvelle maladie peut prendre entre neuf et quatorze ans. Si vraiment, au moins l’un des trois projets dont les essais sont en phase 3 obtient une autorisation de mise sur le marché en 2021, rarement des timings aussi serrés auront été tenus. Ce qui s’explique par une mobilisation de la communauté scientifique mondiale et des fonds débloqués tout aussi exceptionnels. « Si ça a été aussi vite, c’est aussi parce qu’on a pu s’appuyer sur la recherche réalisée le SARS-CoV-1. On savait d’une part quel antigène utiliser et quelle modification faire à cet antigène pour qu’il provoque une immunité. L’autre facteur, c’est qu’à l’Institut Pasteur, pour le projet rougeole et coronavirus, on connaissait cette technique vaccinale. En effet, on avait modifié le patrimoine génétique du vaccin rougeole pour réaliser un vaccin contre le chikungunya, actuellement en phase 3. Deux autres aspects sont entrés en ligne de compte : les procédures administratives ont été accélérées, sans pour autant limiter les contraintes. Et surtout, on est toujours en phase de circulation active du virus, donc les vaccinés sont susceptibles de rencontrer le virus. »
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