Search

Covid-19 : attention aux comparaisons trompeuses avec la grippe espagnole - LCI

Santé

CONTEXTE – Des internautes cherchent à minimiser la gravité de l'épidémie de Covid-19 en la comparant à celle de la grippe espagnole ou de Hong-Kong. Des parallèles douteux, qui font fi des mesures sanitaires prises par les autorités et du contexte international.

Alors que l'épidémie de Covid-19 a fait plus d'un million de morts à travers le monde et que la barre des 30.000 décès a été franchie en France, des publications sur les réseaux sociaux tentent régulièrement de relativiser l'impact du virus en comparant des chiffres relatifs à la mortalité. 

"La grippe c'est 470.000 morts par an. Le covid ce n'est que le double sachant que : 1918 Grippe espagnole (20 millions de morts), 1957 grippe asiatique (2 millions de morts), 1968 Grippe de Hong Kong (un million de morts donc 40 000 en France)", souligne un internaute. Sa conclusion ? "Covid : circulez y a rien à voir." 

D'autres n'hésitent pas à utiliser des ordres de grandeur farfelus pour appuyer leur propos et dénoncer les batteries de mesures mises en place par les gouvernements. "Au nom d'un virus qui a fait cent fois moins de morts que la grippe, on se retrouve sous le règne de l'Ayatollah Khomeini, avec tous les bars et les restaurants fermés, l'obligation d'aller bosser sans se distraire, et des drones qui volent dans les rues en braillant des menaces", peut-on notamment lire. 

Des mesures sans précédent

Les autorités en font-elles trop ? Déployons-nous des salves de mesures très contraignantes pour lutter contre une simple "grippette" ? Dans ces publications, les internautes semblent toujours faire abstraction d'un point essentiel. En effet, ils s'attardent sur le nombre global de morts comptabilisés, sans rappeler l'impact qui a été celui du confinement généralisé décrété dans de très nombreux pays du globe. 

Si le Covid-19 n'a jusqu'à présent fait "que" 31.000 victimes dans l'Hexagone, il ne faudrait pas en conclure que le virus serait moins dangereux que d'autres ayant sévi par le passé. Au cours de l'Histoire, jamais une population n'avait subi une telle période de confinement. Une mesure aussi unique que radicale, dont l'impact a été notable pour réduire la propagation de l'épidémie et in fine réduire le nombre de personnes touchées/décédées.

Lire aussi

Pour s'en convaincre, il suffit de se pencher sur les travaux menés par des chercheurs de l'École des hautes études en santé publique (EHESP). Dès le 22 avril, ils dévoilaient les résultats de recherches menées sur l'impact des mesures gouvernementales, et aboutissaient au constat suivant. "Si aucune mesure de contrôle n'avait été mise en place entre le 19 mars et le 19 avril 2020, notre analyse montre que près de 23% de la population française aurait été touchée par le Covid-19 (14,8 millions d'individus)." Le confinement, soulignent-ils, a "permis d'éviter 61 739 décès hospitaliers"

LCI a contacté l'un des coauteurs de cette étude, l'épidémiologiste Pascal Crépey. Il souligne que ces travaux n'ont porté que "sur le premier mois de confinement et qu'ils ne portaient que sur les décès à l'hôpital". À ses yeux, il ne fait aucun doute que les mesures prises en urgence en mars ont permis d'éviter un bilan bien plus lourd, même si l'absence de confinement aurait sans doute donné lieu à une adaptation naturelle des comportements. "Comme en Suède", note-t-il, "où la population s'est en quelque sorte autoconfinée alors qu'elle n'y était pas tenue, simplement car elle a pris conscience du danger." 

Pascal Crépey mentionne au passage les travaux de ses collègues Arnaud Fontanet et Simon Cauchemez, membre de l'Institut Pasteur et spécialisés eux aussi dans l'épidémiologie. Ils ont, dans un article publié par la revue Nature, estimé le nombre de morts si la France avait décidé de miser sur l'immunité collective en assumant une large circulation du virus. Résultat ? Entre 100.000 et 450.000 décès. Une estimation qu'il proposent avec une "confiance raisonnable".  

Une multitude d'autres facteurs

Outre les mesures prises par les autorités sanitaires contre le virus, il faut souligner que d'autres éléments rendent plus qu'hasardeuses des comparaisons avec d'autres épidémies. Tout d'abord, il est nécessaire de noter que les systèmes de santé ont effectué des bonds en avant monumentaux, qui se traduisent par une hausse spectaculaire de l'espérance de vie. En l'espace de 100 ans, elle a progressé de presque 30 ans pour les Français.

Outre les disparités très importantes des systèmes de santé, soulignons les évolutions majeures en matière de démographie. À l'époque de la grippe espagnole, qui a sévi en 1919-1920, la Terre n'était peuplée que par 1,8 milliard de personnes. Des populations qui vivaient par ailleurs davantage dans les campagnes et moins dans les villes, où la densité d'habitants au kilomètres carré est logiquement bien supérieure.

Enfin, il est bon de rappeler que les modes de vie ont évolué, avec un développement croissant des flux humains et de marchandises. Si le Covid-19 a pu se propager aussi rapidement à l'échelle de la planète, il le doit en grande partie à la mondialisation et au tourisme, qui ont contribué dans un premier temps à lui faire quitter la Chine, avant de se propager sur les 5 continents. 

Dès lors, dresser un parallèle entre des épidémies séparées de plusieurs décennies apparaît hasardeux. Quand la progression des systèmes de santé tend à réduire les risques pour les populations, la multiplication des échanges et des migrations contribue au contraire à accroître la dangerosité d'un virus, susceptible de contaminer un plus grand nombre de personnes en un minimum de temps. Surtout, il ne faut jamais oublier que des mesures de confinement uniques dans notre histoire ont été décrétées au printemps, sans lesquelles les spécialistes estiment que le bilan humain de l'épidémie de Covid-19 se serait révélé bien plus grave.

Toute l'info sur

L'info passée au crible

Vous souhaitez réagir à cet article, nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse lesverificateurs@tf1.fr

Sur le même sujet

Et aussi

Let's block ads! (Why?)

https://news.google.com/__i/rss/rd/articles/CBMijwFodHRwczovL3d3dy5sY2kuZnIvc2FudGUvY292aWQtMTktY29yb25hdmlydXMtYXR0ZW50aW9uLWF1eC1jb21wYXJhaXNvbnMtdHJvbXBldXNlcy1hdmVjLWxhLWdyaXBwZS1lc3BhZ25vbGUtb3UtZC1hdXRyZXMtZXBpZGVtaWVzLTIxNjU3OTYuaHRtbNIBkwFodHRwczovL3d3dy5sY2kuZnIvYW1wL3NhbnRlL2NvdmlkLTE5LWNvcm9uYXZpcnVzLWF0dGVudGlvbi1hdXgtY29tcGFyYWlzb25zLXRyb21wZXVzZXMtYXZlYy1sYS1ncmlwcGUtZXNwYWdub2xlLW91LWQtYXV0cmVzLWVwaWRlbWllcy0yMTY1Nzk2Lmh0bWw?oc=5

Bagikan Berita Ini

0 Response to "Covid-19 : attention aux comparaisons trompeuses avec la grippe espagnole - LCI"

Post a Comment

Powered by Blogger.