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Coronavirus : Les proches des patients en fin de vie empêchés de leur dire un dernier adieu ? - 20 Minutes

Illustration de deux mains qui se touchent. — Pixabay
  • Alors qu’un possible troisième confinement se dessine, des associations et des citoyens s’inquiètent de voir, déjà, les portes des services de soins palliatifs, des hôpitaux et des Ehpad se fermer.
  • Les visites des familles et des amis en temps d’épidémie de Covid-19 posent en effet certaines questions en termes de sécurité des patients et des soignants.
  • Mais les textes sont formels : les visites des proches restent autorisées, avec des restrictions.

« Cela fait un mois que je ne l’ai pas vue, alors qu’il ne lui reste sans doute que quelques semaines à vivre. C’est du temps précieux de perdu », déplore Claire. Sa mère, atteinte d’un cancer depuis deux ans, est hospitalisée en Soins de suite et de réadaptation depuis décembre dans une clinique francilienne. Trop faible et trop dénutrie pour rentrer chez elle.

Début janvier, un cluster de Covid-19 s’est déclaré et la clinique a fermé pour protéger les soignants et les patients de nouvelles contaminations. Sans possibilité pour les familles d’accompagner leurs proches souffrants et parfois en fin de vie.

« C’est inhumain ! »

« Le chef de service protège ses collègues avant de prendre soin du bien-être et de la souffrance psychologique de ses malades et de leurs familles, se désole Claire. On n’a sans doute pas tous les tenants et aboutissants, mais personne ne nous explique quoi que ce soit. C’est inhumain ! » Chaque semaine, elle insiste pour savoir quand les visites pourront reprendre. « On nous répond qu’ils attendent les décisions du gouvernement. Mais on sait déjà que s’il y a un reconfinement, on ne pourra pas rentrer dans la clinique. Une fois, la cadre m’a répondu : "vous ne me ferez jamais culpabiliser"… »

On pensait pourtant le débat clos. En mars dernier, l’apparition du Covid-19 avait provoqué la fermeture totale des Ehpad et des hôpitaux. Mais depuis, les consignes ont évolué : si les visites sont évidemment limitées et encadrées, elles sont maintenues. En Ehpad, et donc en soins palliatifs. « On encourage les proches à rester au chevet de nos patients, confirme Xavier, alias l’Homme étoilé, infirmier en soins palliatifs à Metz et illustrateur-star sur Instagram. On reste des étrangers pour nos patients, même si on tisse des liens étroits. C’est donc une évidence que personne ne doit pas mourir seul. »

« Se questionner sur ce qui est juste pour chaque patient »

Pourtant, Claire n’est pas la seule à se faire l’écho de cet adieu rendu impossible. Lundi, dans un communiqué commun, la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP) et le Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie (CNSPFV) alertaient sur « un durcissement des règles concernant les visites aux patients hospitalisés ou en Ehpad : des proches ne peuvent rendre visite à leur parent en fin de vie ou alors dans des conditions très dégradées ».

« Il y a peu d’endroits où il n’y a pas de visite du tout en fin de vie, nuance Claire Fourcade, présidente de la SFAP. Mais on est alerté par des familles qui nous disent que c’est compliqué. » Avec de grandes disparités selon les zones. Et des drames qui poussent certaines familles à retirer, contre avis médical, leur mère ou père de la structure hospitalière. Ou encore des soignants, heurtés, qui prennent le risque d’organiser des visites clandestines.

Voilà pourquoi Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs à Narbonne, insiste : « les textes du ministère de la Santé précisent que pour les patients en fin de vie, il faut organiser des visites pour les familles. Après, c’est à chaque établissement de fixer ses règles et c’est normal. On a souffert lors de la première vague de l’uniformité des consignes. C’est compliqué, mais j’invite les équipes à se questionner sur ce qui est juste pour chaque patient. Et la question doit rester permanente. On ne peut pas se dire qu’un protocole établi il y a deux mois reste actuel. » Interdire à des enfants d’embrasser leur père mourant ou à des petits-enfants de quitter le masque devant leur grand-mère malentendante peut ainsi être décrété en théorie, mais reste particulièrement cruel en vie réelle.

« Permettre un brassage important, c’est nous mettre en danger. »

Un savant équilibre entre sécurité et humanité que tente de trouver Xavier. « Dans notre service, on essaie d’offrir un maximum de souplesse aux familles, mais la situation sanitaire nous oblige à prendre des mesures strictes, explique l’infirmier, qui vient de sortir une nouvelle BD, Je serai là*. On a droit à un accompagnant par chambre avec l’obligation du port du masque. Ce n’est pas toujours évident… Je repense notamment à une patiente qui avait quatre frères et sœurs et huit enfants. On évalue au cas par cas dans des situations de fin de vie imminente, on autorise plus de proches par chambre, mais on demande aux familles de ne pas encombrer les couloirs. »

En revanche, il n’y a pas dans son hôpital de restriction de durée des visites. « On les autorise à toute heure du jour ou de la nuit, et un proche peut rester la nuit au chevet d’un patient. » Mais Xavier le rappelle : « la situation n’est pas simple, beaucoup d’hôpitaux ont été touchés par des vagues de contaminations de soignants. Ce qui se traduit par des fermetures de lit et une impossibilité de s’occuper d’autres patients. Permettre un brassage important, c’est nous mettre en danger. »

Claire aussi est soignante. Cet équilibre, elle aussi tente de le trouver. Et pour elle, aucun doute, supprimer les visites n’est pas une réponse appropriée. « Il y a des moyens pour sécuriser : une seule personne peut prendre rendez-vous à l’avance, avec une prise de température ou une PCR négative… » Des souplesses qui semblent urgentes à mettre en place. Même en cas de reconfinement. « Confinement ou pas, pour les patients en fin de vie, ça ne devrait pas changer les règles, assure Claire Fourcade. La question se posait pour les visites au printemps dernier parce qu’on manquait d’équipements. »

Ce qui n’est plus le cas. « Ces visites des proches sont indispensables pour les patients et pour les familles, car c’est aussi comme ça que le deuil est possible, reprend-elle. Et enfin pour les équipes. Pour avoir l’impression de faire notre travail correctement. C’est important pour la suite. On va vivre avec la façon dont on s’est accompagné les uns les autres. Je dis souvent que les soins palliatifs, c’est la paix des survivants. »

* Je serai là, L’homme étoilé, Calmann-Lévy Graphic, 20 janvier 2021, 16,50 €

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