
Le professeur Luc Montagnier est mort, mardi 8 février, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). L’homme a eu deux vies : c’était un éminent scientifique, codécouvreur du virus du sida en 1983, ce qui lui a valu d’être lauréat du prix Nobel de médecine en 2008. Mais dans les années 2010, s’éloignant de ses domaines de compétences et du consensus scientifique, il a défendu des théories et abordé des champs de recherche pour le moins controversés, de l’utilité de la papaye fermentée pour soigner la maladie de Parkinson à des théories plus que controversées sur l’origine du SARS-CoV-2 ou sur la dangerosité de la vaccination – des thèses largement réfutées par la communauté scientifique.
Ces dernières années, il était devenu l’un des héros de ceux qui contestent les politiques sanitaires de lutte contre le Covid-19 ainsi que l’intérêt voire l’innocuité de la vaccination. Ce n’est donc pas une surprise que sa mort ait été annoncée par le site Francesoir.fr, bâti sur ce qu’il restait du journal de Pierre Lazareff et qui s’est fait une spécialité de pourfendre les politiques sanitaires, en prenant régulièrement des libertés avec les faits. C’est donc par France-Soir – par un tweet d’abord, puis par son patron, Xavier Azalbert, et enfin par un article – que la mort de Luc Montagnier a été annoncée.
Quand Le Monde a eu connaissance de ces publications, la nouvelle a été perçue comme plausible. M. Montagnier était âgé et il était tout à fait possible que Francesoir.fr ait été en contact avec ses proches, étant donné que le professeur Montagnier avait été interrogé et cité à de nombreuses reprises par le site. Pour autant, pouvions-nous nous fier à cette seule source pour annoncer à notre tour sa disparition ? Non. Quand la mort d’une personne illustre survient et qu’elle est annoncée par un média, il est indispensable que la nouvelle soit confirmée par d’autres sources.
Vérifier l’information
Après le tweet de France-Soir (mercredi 9, à 11 h 42), nul n’a d’abord confirmé la nouvelle : ni l’hôpital américain de Neuilly, au nom du secret médical, ni d’anciens confrères de Luc Montagnier, comme le médecin controversé Henri Joyeux, ni aucun de ceux que nous avons joints. Colauréate du prix Nobel en 2008, la biologiste Françoise Barré-Sinoussi, qui n’avait plus de contact avec le professeur Montagnier, n’écartait pas l’hypothèse qu’il puisse s’agir d’une fausse nouvelle. Le médecin Gérard Guillaume, cité par France-Soir, nous a confirmé jeudi après-midi le décès du Nobel, mais il importait, comme c’est de rigueur, de disposer d’autres sources indépendantes. Tous ceux qui, avant la confirmation, ont salué la mémoire de M. Montagnier, l’ont fait sur la seule base des informations de France-Soir.
Ce n’est que jeudi après-midi que la mairie de Neuilly-sur-Seine a fini par confirmer la mort du chercheur, après réception du certificat de décès, information donnée à 16 h 34 par Libération, puis par d’autres médias ainsi qu’à l’Agence France-Presse.
De nombreux internautes se sont émus, plus ou moins aimablement, du « silence des médias » à l’égard de celui qui fut un grand scientifique. Etait-ce « une censure » qui aurait été justifiée par ses positions sur le vaccin ou l’origine du virus ? Evidemment non. Passions-nous sous silence la vie d’un scientifique de renom en raison de ses positions polémiques ? Non, encore. C’était tout simplement le temps nécessaire pour vérifier l’information. Il n’a jamais été question de taire la mort d’un homme dont nous avons abondamment parlé dans nos colonnes de son vivant, notamment en raison de découvertes scientifiques dont la portée est incontestable.
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