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Endométriose : « La douleur n’est absolument pas proportionnelle à la gravité des lésions » - 20 Minutes

« J’étais à dix mille lieues d’imaginer que j’avais de l’endométriose », reconnaît Marie, petite brune aux yeux bleus. Depuis ses premières menstruations, la trentenaire n’a jamais ressenti aucune douleur. Ni pendant ses règles, ni lors de ses rapports sexuels. C’est à peine si Marie sent un petit étirement le premier jour de ses règles. Comme toutes les femmes, pensait-elle. Alors quand il y a un mois, sa gynécologue lui a diagnostiqué un kyste ovarien endométriosique, elle est tombée de haut. « Pour moi, les femmes atteintes d’endométriose ont des règles ultra-douloureuses, à ne plus pouvoir sortir de leur lit. »

Parmi les 10 % de femmes qui souffrent d’endométriose, maladie gynécologique inflammatoire chronique, Marie fait partie des 1 à 7 % qui ne ressentent pas de douleur. Mais la gravité de leur pathologie n’est pas nulle pour autant. « La douleur n’est absolument pas proportionnelle à la gravité des lésions », rappelle Yasmine Candau, présidente d’EndoFrance. Certaines femmes peuvent se tordre de douleur à chaque fois qu’elles ont leurs règles et n’avoir qu’une endométriose superficielle sur le plan anatomique, quand d’autres ne ressentiront pas de douleur malgré la présence de lésions plus nombreuses et profondes qui peuvent envahir d’autres organes.

Des zones touchées peu innervées

« Les nerfs sont responsables des douleurs de l’endométriose », explique Erick Petit, radiologue, fondateur du centre de l’endométriose du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, président du réseau ville hôpital de Résendo. Ces nerfs, pris dans l’inflammation, s’irritent. « Même s’il y a beaucoup de nerfs dans le pelvis, la partie basse du ventre, certaines formes se développent sur des zones peu innervées », ajoute Julien Niro, gynécologue obstétricien au groupe hospitalier Hartmann Ambroise Paré, à Neuilly-sur-Seine.

« On peut avoir des lésions superficielles mais proches d’un nerf qui vont faire beaucoup plus mal que des lésions profondes », développe Camille Tallet, sage-femme et ostéopathe. D’autant plus que la notion de douleur est très personnelle. « Elle dépend de notre environnement socioculturel et familial, ajoute la sage-femme. Si on nous a dit que c’était normal d’avoir mal pendant ses règles, on ne va pas forcément écouter et signaler sa douleur. »

Conséquence : le diagnostic d’endométriose de ces femmes asymptomatiques tombe souvent « par hasard ». « Elles peuvent être diagnostiquées au moment d’une intervention pour tout autre chose, comme une appendicite, par exemple, explique a présidente d’EndoFrance. Ou lors d’un bilan de fertilité, après plusieurs années d’essai de bébé ».

Des troubles digestifs

Mais pour Erick Petit, les femmes ne ressentant pas de douleur ont forcément un autre symptôme : des troubles fonctionnels intestinaux. Le fameux syndrome du côlon irritable, avec une alternance de diarrhées et de constipation, de nombreux gaz et un gonflement abdominal, appelé « endobelly » dans le monde anglo-saxon. « On peut diagnostiquer une endométriose grâce à ces symptômes digestifs, qui apparaissent surtout en période de règles », précise Camille Tallet.

Par ailleurs, certaines femmes n’ont ni douleur, ni lésions, mais seulement un kyste ovarien endométriosique, c’est-à-dire un hématome de 3 à 4 centimètres dans l’ovaire. Un cas très rare, de l’ordre de 1 %, selon Erick Petit, par ailleurs membre du comité de pilotage de la stratégie nationale contre l’endométriose. C’est le cas de Marie. « L’ovaire n’étant pas innervé, elles n’ont pas de douleur. » Le diagnostic peut alors tomber tardivement, lorsque le kyste grossit, allant au-delà de 10 centimètres, voire se fissure par hyperpression. « Dans ce cas, elles vont ressentir une vive douleur et finissent souvent aux urgences. »

Une échographie de contrôle une fois par an

Pour autant, les médecins ne conseillent pas d’effectuer un dépistage massif d’endométriose, à l’instar de ce qui se fait en matière de cancer du sein. « On ne va pas rechercher une maladie si rien ne nous y fait penser, juge Julien Niro, d’autant plus que les formes asymptomatiques graves restent rares. » Le professionnel conseille toutefois un suivi gynécologique régulier. Au cours de ce rendez-vous, après un interrogatoire, un examen clinique et, souvent, une échographie, le diagnostic peut tomber. « Une échographie endovaginale réalisée par des radiologues experts », précise Erick Petit, car elle permet de « percevoir des lésions subtiles », pas forcément visibles à l’IRM.

Si l’endométriose ne peut être guérie en l’état actuel des recherches, elle peut être freinée par l’utilisation d’une pilule progestative. « Les femmes ayant une forme superficielle asymptomatique peuvent se contenter de réaliser une échographie annuelle de suivi et d’éventuellement ajuster leur traitement », conseille Julien Niro. Mais dans le cas d’une forme ovarienne, même asymptomatique, il recommande aux patientes de se faire prélever leurs ovules, car cette forme est plus à risque de provoquer une infertilité. Après de longues hésitations, Marie s’est résolue à prendre la pilule pour la première fois de sa vie.

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