"Il y a encore beaucoup d'efforts à faire tant au niveau du dépistage qu'au niveau de la prévention", a ajouté la professeure Françoise Barré-Sinoussi, vendredi sur franceinfo, au lancement du Sidaction 2023.
"On peut éradiquer et en finir avec le sida, par contre pour le virus lui-même, cela va être beaucoup plus compliqué", a déclaré vendredi 24 mars sur franceinfo Pr. Françoise Barré-Sinoussi, co-découvreuse du VIH, découverte pour laquelle elle a reçu le prix Nobel 2008. "Il y a encore beaucoup d'efforts à faire tant au niveau du dépistage qu'au niveau de la prévention. C'est inadmissible que dans un pays comme la France, il y ait encore près de 30 % de personnes qui sont diagnostiquées au stade tardif du sida", alerte celle qui est aussi la présidente du Sidaction.
franceinfo : Vous souvenez-vous du moment où vous avez réussi à isoler ce virus ?
Pr. Françoise Barré-Sinoussi : Bien sûr. Ce n'est pas un moment, mais plusieurs moments pour démontrer que le virus est responsable de la maladie. Il y a d'abord l'isolement dans la culture et après beaucoup d'étapes pour démontrer qu'il est responsable de la maladie.
Avez-vous eu conscience tout de suite de la portée de votre découverte ?
Pas immédiatement, c'est quelques semaines après. La détection de virus s'est faite fin janvier et c'est en février où on a commencé à prendre conscience qu'il s'agissait d'un nouveau virus et qu'il pouvait être responsable de cette maladie. En 1983, il n'y avait pas beaucoup de cas de sida en France, quelques centaines. On n'avait pas encore pris la mesure de l'amplitude de la maladie sur le continent africain. Cela a eu lieu plus tard, vers 1984-1985.
Pensiez-vous que, 40 ans plus tard, on n'allait toujours pas guérir ?
Guérir du virus, probablement pas, mais guérir ou éradiquer la maladie sida, c'est tout à fait possible. On a déjà les outils en main, tant les outils de dépistage, que de prévention, que de soins. Donc, on peut éradiquer et en finir avec le sida, par contre pour le virus lui-même, cela va être beaucoup plus compliqué, mais on devrait pouvoir arriver à avoir des traitements qui permettent aux personnes de contrôler leur virus après l'arrêt de tout traitement. Cela serait déjà un grand pas.
Les rares cas de guérison sont-ils une bonne nouvelle ? L'un d'eux est le résultat d'une greffe de moelle osseuse. Est-ce pour tout le monde ?
Ce n'est pas un traitement qui est envisageable à large échelle. Les greffes de moelle sont réalisées chez des personnes qui ont des cancers ou des leucémies. Cela n'est pas réalisable à large échelle, par contre, ce sont des étapes importantes pour essayer de comprendre pourquoi ces personnes arrivent à contrôler leur virus. À partir de ces résultats, on peut imaginer des stratégies pour le futur. C'est une étape. Plus on aura de cas comme ça, plus on essaiera de comprendre et d'élaborer de nouvelles stratégies.
170 000 Français vivent avec le VIH et il y a 5 000 contaminations par an. Comment expliquez-vous cette baisse ?
Il y a quelques temps, on était à 6 000 cas, on est maintenant à 5 000 cas. Attention à ces chiffres, parce qu'il y a eu un retard dans le dépistage à cause de l'épidémie de Covid. Pour l'instant, on est plutôt assez stable. Il y a encore beaucoup d'efforts à faire tant au niveau du dépistage qu'au niveau de la prévention. C'est inadmissible que dans un pays comme la France, il y ait encore près de 30 % de personnes qui sont diagnostiquées au stade tardif du sida, alors qu’on a tous les outils.
Comment expliquez-vous cela ? Les jeunes sont-ils plus touchés ?
La première raison, c'est parce que l'information ne passe plus très bien. Il y a bien sûr les jeunes, mais il y a aussi les plus de 50 ans. Souvent, on entend dire que "ce n'est pas grave parce qu'il y a un traitement". Les personnes n'ont pas encore réalisé que c'est un traitement pour la vie, que ce n'est pas simple de le prendre tous les jours, que sur le long terme un petit pourcentage de personnes développe ce qu'on appelle des comorbidités non-sida comme des cancers, des maladies cardiovasculaires, du diabète. Donc, ce n'est pas si simple que ça et c'est pour ça que les personnes concernées attendent qu'on trouve un médicament qu'on peut arrêter.
Est-ce qu'il faut plus de moyens dans la recherche du sida ?
Il faut toujours plus de moyens pour la recherche, c'est facile à dire, mais il faut aussi plus de jeunes chercheurs qui s'intéressent à la recherche sur le sida. Ils ne boudent pas seulement la recherche sur le sida, mais ils boudent la science. De moins en moins de jeunes s'intéressent à la recherche, à la science. L'épidémie de Covid a eu un impact négatif, à cela s'ajoute que rentrer dans une carrière de scientifique, c'est le parcours du combattant. Les salaires ne sont pas du tout élevés et au-delà des salaires, il faut avoir un poste. Pour avoir un poste statutaire, c'est le parcours du combattant parce qu'il y a très peu de postes.
Comment fait-on pour donner et où vont ces dons ?
Il suffit de faire un don sur sidaction.org ou d'appeler le 110. Ces dons vont à la recherche contre le sida et soutiennent les associations qui accompagnent les personnes infectées par le VIH.
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