C’est un objet qui ressemble à s’y méprendre à un gros stylo coloré. Chaque soir, depuis juillet 2021, Alyssa, 12 ans, y visse une aiguille, tourne la molette de sélection de dose, et se fait une piqûre de Norditropine, une hormone de croissance. La collégienne de 5e souffre du syndrome de Noonan, une maladie rare qui peut notamment causer dysmorphie, troubles cardiaques, pulmonaires et retard de croissance. « Elle ne grandissait plus, ne prenait plus de poids, explique Faustine Da Maia, sa mère. Elle faisait deux têtes de moins que ses camarades, elle le vivait mal et puis, porter un cartable de collégienne quand on pèse 20 kg… »
En deux ans de traitement, Alyssa a pris « 10 cm par an » pour atteindre la taille de ses camarades. Un « énorme bénéfice » pour l’enfant qui est la cible de harcèlement scolaire du fait de sa maladie. Mais à la rentrée dernière, tout s’écroule. « Je savais par les groupes de parents sur les réseaux sociaux que certains étaient touchés par une rupture de stock mais notre pharmacie avait toujours réussi à en avoir, raconte Faustine, agente territoriale spécialisée des écoles maternelles près de Dijon. Mais là, ça fait un mois que les pharmacies n’en ont plus du tout… »
« Toutes sortes de médicaments » touchés
La Norditropine est l’un des « médicaments d’intérêt thérapeutique majeur » (MITM) classé par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) comme en « rupture de stock ». Plus de 3 700 médicaments ont connu des pénuries ou des tensions d’approvisionnement en 2022 et le chiffre s’annonce à la hausse pour 2023, avec déjà 3 500 déclarations de rupture ou risque de rupture à fin août selon l’ANSM. Une situation inédite, selon Jean-François Guillerm, président du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Bretagne qui voit les choses « s’aggraver d’année en année ».
Difficultés d’approvisionnement des matières premières, des articles de conditionnement, délocalisation, consommation en hausse, marché tendu : les causes de cette crise sont multiples. L’hiver dernier, la pénurie de Doliprane – aujourd’hui remis à disposition – et d’Amoxicilline – toujours classée en « tension d’approvisionnement » – en pleine triple épidémie de Covid-19, grippe et bronchiolite, avait marqué les esprits. Mais à l’année, les ruptures touchent « toutes sortes de médicaments », précise le pharmacien.
« Six jours pour trouver une solution »
« Le mot d’ordre, c’est la galère, confirme-t-il. Toutes les semaines, je reçois des appels de pharmaciens pour me dire : « Je suis de garde et je n’ai pas d’Amoxicilline pédiatrique, comment je vais faire ? » Il faut que les pouvoirs publics l’entendent. On nous dit qu’il y a des « tensions » d’approvisionnement », mais quand on n’a pas d’antibiotiques, ce n’est pas de la tension, c’est de la rupture. »
Une situation qui pousse des patients angoissés à opter pour le système D. « On a eu six jours pour trouver une solution, observe Faustine. C’était soit l’arrêt du traitement, soit un changement d’hormones. »
Dans le cas d’Alyssa, il y a une semaine à peine, choix a été fait, en concertation entre l’adolescente, son médecin et ses parents, d’opter pour un autre traitement hormonal, malgré les craintes d’effets secondaires. « C’est une décision difficile, soupire Faustine. Il faudra quatre à six mois pour qu’elle s’habitue à la nouvelle hormone… »
« J’ai fait une dizaine de pharmacies »
« J’arrête tout », a quant à lui lâché Brice, 22 ans, quand il a appris que...
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