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Faut-il s'inquiéter du coronavirus de pangolin mortel créé en laboratoire ? - 20 Minutes

Des chercheurs chinois ont mené une étude sur des coronavirus identifiés chez des pangolins, et présentent les résultats inquiétants de leurs travaux. — Themba Hadebe/AP/SIPA
  • Des scientifiques chinois ont mené une étude sur deux souches de coronavirus issus de pangolins.
  • Un virus muté qu’ils ont injecté à des souris génétiquement modifiées et qui en sont toutes décédées.
  • Des travaux qui soulèvent de nombreux questionnements et craintes sur de tels virus manipulés en laboratoire.

Les coronavirus, cela fait un moment qu’on les connaît. Bien sûr, depuis 2020, plus besoin de présenter le plus célèbre d’entre eux : le Covid-19. Mais les chercheurs du monde entier n’ont pas attendu la pandémie pour les étudier. Et ils continuent de le faire, à l’instar d’une équipe de scientifiques chinois de l’Université de technologie chimique de Pékin qui a étudié deux coronavirus identifiés il y a quelques années chez les pangolins, et qui vient de prépublier les résultats de ses travaux sur le site BioRxiv. Des travaux qui n’ont pas encore été relus par leurs pairs donc pas encore validés et publiés dans une revue scientifique de référence.

Menée sur des souris génétiquement modifiées, l’étude de ces deux coronavirus issus du pangolin a révélé un taux de mortalité de 100 % sur les petits rongeurs exposés, suscitant questions et inquiétudes autour de ces travaux. Quel intérêt y a-t-il à créer de tels virus ? Et quels risques ces recherches scientifiques présentent-elles ?

Quelle est la nature de l’étude menée ?

Les chercheurs de l’Université de technologie chimique de Pékin ont étudié deux coronavirus découverts chez des pangolins en 2017 et en 2019 : GX/2017 et GD/2019. Deux virus auxquels ont été exposées des souris « dites "humanisées", modifiées génétiquement, explique le Dr Benjamin Davido, infectiologue et médecin référent de crise Covid-19 à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches. Elles ont été dotées du récepteur ACE2, présent à la surface des cellules humaines. Un récepteur connu pour être la voie d’entrée du virus dans les cellules humaines, et tabler sur le potentiel contaminateur du virus chez l’homme ».

Les scientifiques ont découvert que le virus GD/2019, baptisé pCoV-GD01 et très proche cousin du Covid-19, pouvait rendre malades les rongeurs exposés. L’autre virus, GX/2017, avait quant à lui la capacité d’infecter souris exposées, sans pour autant qu’elles n’en soient malades. Mais l’étude ne s’est pas arrêtée là : toujours en laboratoire, les chercheurs ont cloné la souche GX/2017, qui a muté, et été rebaptisée GX_P2V. Après avoir mis en culture plusieurs copies de ce virus mutant, ils l’ont ensuite inoculé à un groupe de souris humanisées, qui sont toutes mortes en moins d’une semaine. « Le coronavirus pangolin GX_P2V lié au SRAS-CoV-2 peut provoquer une mortalité de 100 % chez les souris transgéniques ACE2 humanisées, potentiellement attribuable à une infection cérébrale à un stade avancé », ont conclu les chercheurs, qui ont observé que le virus avait infecté le système respiratoire des souris avant d’atteindre leur système nerveux, avec une charge virale très élevée au niveau du cerveau.

Est-ce risqué de manipuler en laboratoire des virus avec un tel taux de létalité et faut-il craindre un risque pandémique ?

En premier lieu, « il faut s’interroger sur la véracité de ces informations : c’est en vogue depuis la pandémie de mettre à disposition des publications, mais pour l’heure, l’étude n’a pas encore été validée par des pairs et publiée dans une revue scientifique, rappelle le Dr Davido. Il ne faut pas s’emballer, des modifications et des précisions devraient être apportées ». En outre, et « si on veut se rassurer, étiqueter une maladie mortelle à 100 % sur un échantillon de quatre souris, c’est peut-être aller un peu vite en besogne, estime l’infectiologue. On est dans l’émotion parce qu’il s’agit d’un coronavirus et que le Covid-19 a coûté de nombreuses vies, mais il faut mettre ces résultats en balance : peut-être seraient-ils différents sur un échantillon de cent souris. Par ailleurs, ce qu’on trouve en éprouvette sur des souris de laboratoire n’est pas forcément applicable en vie réelle ».

En revanche, « ce qui est inquiétant, c’est qu’à aucun moment, dans cette étude, on a d’informations sur l’environnement et les conditions dans lesquelles ces travaux ont été menés, souligne le Dr Davido. Sur de tels coronavirus génétiquement modifiés et hautement létaux, il faudrait travailler dans un "laboratoire P4", de haute sécurité, pour éviter tout risque que ce coronavirus à la létalité affichée de 100 % s’échappe et ne cause une catastrophe. Ces expérimentations doivent être particulièrement encadrées, alerte-t-il. D’autant que l’enquête de l’OMS sur l’origine de la pandémie de Covid-19 n’a toujours pas permis d’écarter la possibilité d’un accident de laboratoire à Wuhan. Et après quatre ans de pandémie, sachons en retenir les leçons et ne pas prendre de risques inutiles. Rappelons toutefois que le pangolin a été exclu comme cause de la pandémie de Covid-19, qui serait issu d’une souche liée aux chauves-souris. Mais si demain, l’étude était publiée dans une revue scientifique de référence et qu’on apprenait que ces conditions de sécurité n’avaient pas été respectées, là on pourrait s’inquiéter d’un risque de pandémie. Pour l’heure, nous n’y sommes pas ».

Quel est l’intérêt de tels travaux ?

L’étude divise au sein de la communauté scientifique, certains chercheurs y voyant une prise de risque disproportionnée au regard de l’intérêt des travaux menés. « Mais si on regarde cette étude d’un œil scientifique, les auteurs ne font que démontrer le tropisme du coronavirus pour le système nerveux central, ce qui n’est pas vraiment une découverte, puisqu’on sait déjà que le Covid-19 peut causer des atteintes neurologiques, notamment avec la perte du goût et de l’odorat, rappelle le Dr Davido. Ce qui est important, c’est que le coronavirus de pangolin se fixe sur les récepteurs ACE2, les premiers mis en évidence chez l’homme comme étant la porte d’entrée du virus, et qui sont présents en quantité notamment sur les cellules cardiovasculaires ».

Pour l’infectiologue, « les chercheurs tirent la conclusion que chez les animaux qui ont une grande quantité de récepteurs, il y a une plus grande susceptibilité à faire des formes graves de la maladie. C’est une piste intéressante pour mieux comprendre comment fonctionne le virus et identifier des populations potentiellement plus à risques que d’autres en fonction de la quantité d’expression de ces récepteurs chez l’homme ».

Pour les auteurs de l’étude, les résultats observés « soulignent un risque de propagation du GX_P2V chez l’homme et fournissent un modèle unique pour comprendre les mécanismes pathogènes des virus liés au SARS-CoV-2 ». Ce qui fait de cette étude « un travail de recherche qui se calque sur des données que l’on connaît déjà sur le coronavirus, analyse le Dr Davido. L’idée n’est pas de créer une arme biologique, mais de mieux comprendre le fonctionnement de ces coronavirus pour mieux se préparer au risque de pandémie, en identifiant des populations cibles en vue de proposer d’autres perspectives thérapeutiques. C’est pourquoi je vois cette étude comme quelque chose d’intéressant plutôt qu’alarmant ».

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