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Sur les réseaux sociaux, l'hypothétique « maladie X », évoquée à Davos, suscite panique et parano - Le Monde

Le 17 janvier 2024 à Davos, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a évoqué la perspective d’une nouvelle pandémie, suscitant des lectures conspirationnistes.

L’élite mondiale aurait déjà planifié sa prochaine pandémie, croient savoir certains internautes. Depuis le 15 janvier, date de l’ouverture à Davos du Forum économique mondial (World Economic Forum, WEF), rendez-vous annuel des élites économiques et politiques mondiales et moment de fantasmes de la complosphère, la perspective d’un nouveau virus à la diffusion planifiée agite les réseaux sociaux. Florian Philippot, ancien cadre du Rassemblement national, y a consacré plusieurs vidéos, qualifiant cette « maladie X » d’« invitée vedette » de Davos.

Plusieurs influenceurs complotistes, comme le compte Zoé Sagan, agitent la menace d’une « maladie X » qui aurait été inventée par l’OMS ou par le Forum économique mondial à des fins malveillantes.

A l’origine de ces rumeurs, la tenue à Davos d’une conférence consacrée à la « maladie X », une pathologie que l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) a intégrée en 2018 à la liste de ses priorités sanitaires. En réalité, elle n’existe pas ; il s’agit d’une hypothèse de travail. L’agence onusienne la décrit comme « un agent pathogène inconnu susceptible d’être à l’origine d’une épidémie internationale grave », par une zoonose ou une attaque bioterroriste. La maladie X, en somme, représente la menace d’un pathogène nouveau, par définition impossible à prévoir. L’émergence du Covid-19 est considérée comme le premier exemple concret.

L’intérêt des sphères complotistes a été relancé par la table ronde publique de quarante-cinq minutes ayant pour thème « Se préparer à la maladie X », coorganisée le 17 janvier à Davos par l’OMS, en présence de son directeur, Tedros Adhanom Ghebreyesus, de la ministre de la santé brésilienne, Nisia Trindade Lima, et du président du conseil d’administration d’AstraZeneca, Michel Demaré.

Le fantasme des projets liberticides de l’OMS

Lors de cette discussion, le « docteur Tedros » a évoqué l’hypothèse d’un virus « vingt fois plus mortel » que le SARS-CoV-2, pour lequel n’existerait aucun vaccin. En sous-texte, il s’agit d’un appel pressant à ce que les pays trouvent un accord autour d’un programme de coopération internationale d’ici au printemps, afin d’optimiser la réaction et la coordination des pays en cas de nouvelle pandémie, sujet régulier de frustrations et de discordes depuis l’épidémie de SRAS (pour « syndrome respiratoire aigu sévère ») en 2003-2004.

Mais avec une grille de lecture conspirationniste, ces chiffres ont été perçus comme une menace sur les populations. « Juste à temps pour les élections [américaines, en novembre 2024], une nouvelle infection leur permet de mettre en place un nouveau traité OMS, de confiner à nouveau, de restreindre la liberté de parole et de détruire plus de libertés », s’est emportée sur X Monica Crowley, ancienne membre de l’administration de Donald Trump.

L’OMS est « un ordre supranational donc contraignant, il s’impose à nous », croit savoir Florian Philippot, tout en citant les « outils numériques comme le passe » ou la « politique vaccinale » – une assertion mensongère, puisque la santé relève, en droit international, de la souveraineté des Etats. Pour d’autres internautes, cette « maladie X » est la caution de nouveaux vaccins « contre un virus qui n’existe pas encore. »

Le spectre d’un coronavirus mutant mortel à 100 %

Ces allégations sur un virus mortel entrent en résonance avec un article scientifique chinois qui a fait grand bruit en début d’année. Publié le 4 janvier sur la plate-forme de prépublication BioRxiv, il décrit un coronavirus de pangolin connu depuis 2017 et proche du SARS-CoV-2, le GX_P2V, qui, une fois isolé, a provoqué le décès des quatre souris « humanisées » (avec des gènes humains) à qui il avait été inoculé.

Difficile d’en tirer des conclusions : le modèle de souris humanisées utilisé est plus vulnérable que la moyenne. Avec d’autres rongeurs transgéniques, l’Institut de virologie de Wuhan était au contraire arrivé en 2023 à la conclusion qu’un virus de pangolin analogue provoquait de faibles réactions. Mais cette nuance est passée inaperçue dans la complosphère : depuis, ledit virus de pangolin est présenté de manière aussi erronée qu’anxiogène comme « une souche mutante de coronavirus qui attaque le cerveau et a un taux de mortalité de 100 % ».

Celui-ci est par ailleurs suspecté d’être la fameuse « maladie X » à l’origine de la pandémie qu’ourdirait l’OMS. Les deux n’ont pourtant pas de lien direct, si ce n’est que par deux voies différentes ils tentent de préparer aux risques de nouvelles maladies émergentes – un leitmotiv de la virologie comme des politiques sanitaires depuis l’épisode du SRAS, et dont le MERS (acronyme anglais du « syndrome respiratoire du Moyen-Orient »), en 2012, puis le Covid-19, en 2020, ont confirmé l’importance.

Inversion logique

La « maladie X » avait déjà fait l’objet d’interprétations conspirationnistes. 20 Minutes évoquait en juin 2023 une vidéo TikTok virale s’alarmant d’une maladie « inventée par l’OMS », « organisé[e] avec les biolabs », « planifié[e] », et qui paverait la voie à une « dictature sanitaire mondiale ».

Ce n’est pas la première fois que des travaux liés à la préparation aux pandémies donnent lieu à une réinterprétation paranoïaque. A la faveur d’une inversion de la cause et de la conséquence, plusieurs conférences visant à alerter sur les risques de pandémie, comme la réunion Event 201 en 2019 ou la présentation de Bill Gates à TED en 2015, avaient déjà été interprétées comme des préparatifs au supposé déploiement volontaire du SARS-CoV-2. Elles reposent toutes sur un postulat curieux : estimer que tout exercice de prévention d’incendie serait l’aveu d’un projet pyromane.

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