Le jeûne est-il un remède miracle contre le cancer ? - Caminteresse.fr

L'idée que le jeûne puisse être un remède miracle contre le cancer a été largement relayée par des personnalités controversées et a suscité un intérêt public grandissant. Cette notion repose bien sur des recherches scientifiques préliminaires sur les potentiels effets bénéfiques du jeûne, mais qui n'ont pourtant jamais donné aucune preuve pour trancher ce débat épineux. En l'absence de consensus, les informations contradictoires se propagent. Voici ce que disent vraiment les études à ce sujet.

Le jeûne, une pratique millénaire inscrite dans diverses traditions culturelles et religieuses, a récemment suscité un intérêt accru en tant que potentiel remède contre le cancer. Cette idée s'est nourrie de recherches préliminaires suggérant que le jeûne pourrait avoir des effets bénéfiques sur la santé, y compris dans la prévention et le traitement du cancer. Mais ces études scientifiques ont été suivies par des affirmations sensationnalistes d'influenceurs et de personnalités controversées, qui ont entretenu l'enthousiasme populaire autour de cette pratique. La question est cependant épineuse, car certaines personnes atteintes de cancer vont jusqu'à se priver de nourriture durant des jours dans l'espoir de guérir ou de limiter l'impact de cette maladie. Une approche très mal perçue par les médecins et qui peu être dangereuse. Mais alors, que disent les articles scientifiques ? C'est ce que nous allons voir dans cet article.

Une étude fait le point sur les preuves scientifiques existantes : y a-t-il des bénéfices à jeûner quand on a un cancer ?

Dans une étude réalisée par le Docteur Christian Mottet, Médecin chef de service de Gastro-entérologie à l'hôpital de Sion et la Docteur Sophie Sierro, Phd, doctorat en sciences médicales à l'université d'Oxford, on peut lire que le jeûne pourrait présenter des effets bénéfiques.

Que dit l'étude ?

En effet, dressant la liste des différentes recherches scientifiques sur les bénéfices du jeûne réalisées depuis des décennies, les auteurs ont relevé que "le manque de nourriture périodique en alternance avec les périodes d’abondance montre une amélioration de la réponse au stress et une augmentation de la durée de vie". Puis à la page 5 de l'étude, ces auteurs stipulent cette fois : "En oncologie, les cellules cancéreuses sont ciblées par des chimiothérapies génotoxiques qui induisent la production de dérivés réactifs de l’oxygène (ROS). Ces médicaments sont censés être sélectifs pour les cellules cancéreuses, cependant ils induisent beaucoup d’effets secondaires". Vu que chez la souris, le jeûne "augmente la résistance au stress oxydatif et à la toxicité induite par la chimiothérapie", il pourrait y avoir les mêmes bénéfices chez l'humain. Mais, ce n'est pas cette conclusion que donnent ces scientifiques. Car le test n'a été réalisé que chez les animaux.

Effets secondaires de la chimiothérapie

À la lecture de cette étude, on pourrait être tenté d'affirmer que les patients qui jeûnent avant de subir une chimiothérapie présenteraient moins d'effets secondaires. C'est d'ailleurs ce qu'on peut lire à la page 7 de cette étude : "Des patients ayant volontairement jeûné (48h à 72h) avant et après les traitements chimio-thérapeutiques ont rapporté moins d’effets secondaires ... Ils n’ont pas ou peu présenté de nausées, vomissements, diarrhées et crampes abdominales (10 cas)". Toutefois, les auteurs rappellent que l'effet protecteur du jeûne contre les effets secondaires de la chimiothérapie n'a pas encore été entièrement prouvé. Ce qui sous-tend que même ici, on ignore à ce stade si le jeûne est vraiment à l'origine de cette résistance aux effets secondaires de la chimiothérapie.

Qu'en conclure ?

À la fin de l'étude, les auteurs expliquent : "Les études sont en majorité de type série de cas, de qualité moyenne ou faible, rarement contrôlées, souvent de faible niveau de preuve. Les évaluations à long terme sont soit manquantes soit imprécises". En clair, on retient que le jeûne est peut-être bénéfique dans certains cas, selon les études scientifiques réalisées depuis des décennies, mais les preuves sont tellement incohérentes qu'il convient de plutôt parler de "placebo" que de véritable thérapie.

Quelles sont les autres études scientifiques sur le jeûne et le cancer ?

Il convient de noter que la recherche sur le jeûne dans le contexte du cancer est encore en cours et que les preuves sont actuellement limitées et souvent préliminaires. Cependant, certaines études préliminaires ont observé des résultats prometteurs, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour confirmer ou infirmer ces observations. Voici quelques exemples :

Réduction de la croissance tumorale

Des études sur des modèles animaux ont suggéré que le jeûne intermittent ou prolongé pouvait réduire la croissance tumorale et la progression du cancer. Ces effets pourraient être attribués à des mécanismes tels que la réduction de l'apport en glucose, qui est essentiel à la croissance des cellules cancéreuses. Mais à ce jour, aucun test n'a été réalisé chez l'humain attestant de l'efficacité d'une telle pratique.

Amélioration de la réponse aux traitements anticancéreux

Certaines recherches ont suggéré que le jeûne pourrait améliorer l'efficacité des traitements anticancéreux tels que la chimiothérapie et la radiothérapie, comme susmentionné dans l'étude des docteurs Sophie Sierro et Christian Mottet. Ce qui pourrait rendre les cellules cancéreuses plus sensibles à ces traitements tout en protégeant les cellules saines des dommages. Ici encore, les tests chez les humains restent très ambigus et donc peu fiables.

Modulation des voies métaboliques

Le jeûne peut influencer diverses voies métaboliques impliquées dans le développement et la progression du cancer, telles que la voie de signalisation de l'insuline et de l'IGF-1 (facteur de croissance similaire à l'insuline de type 1) ainsi que la voie mTOR (cible de la rapamycine chez les mammifères), qui sont toutes deux impliquées dans la régulation de la croissance cellulaire et la survie. C'est d'ailleurs un point qui est également relevé dans l'étude des docteurs Sophie Sierro et Christian Mottet. Sauf qu'à la conclusion des études des deux chercheurs, on retient que le jeûne n'est pas un remède contre le cancer. Car, cela n'a pas encore été prouvé chez les humains.

Alors, pourquoi certains discours soutiennent que le jeûne est un remède contre le cancer ?

Alors que de nombreux médecins expliquent qu'il pourrait avoir l'effet contraire, certains naturopathes continuent de dire qu'il s'agit d'un remède contre le cancer, poussant certains patients à se priver des médicaments et à suivre un jeûne qui pourrait aggraver leur situation et pire, les conduire à en mourir. Le naturopathe Eric Gandon en a payé les frais : il a été mis en examen en 2023 suite à plusieurs décès de participants à ses stages de jeûne hydrique des personnes cancéreuses, selon l'AFP. Dans cette même veine, Thierry Casasnovas a également été mis en examen en mars 2023 pour prise illégale de fonction de médecine mais aussi d'abus de faiblesse, toujours selon l'agence de presse. Contre toutes ces dérives, certains acteurs politiques ont décidé de durcir le ton vis-à-vis de ces "naturopathes".

Dans une interview du 31 janvier, Donatien Le Vaillant, chef de la Miviludes, qui est une section du ministère de l'Intérieur chargée de surveiller les dérives sectaires, a déclaré que faire la promotion du jeûne comme bénéfice contre le cancer "mène à l'abandon du traitement, donc à une perte de chance pour le patient". Il dira aussi que ce type de discours "constitue une infraction pénale". En clair, il s'agit tout simplement de "discours complotistes de certains naturopathes anti-médicament".

Le jeûne n'est donc pas un remède contre le cancer ?

Si le prix Nobel de médecine 2016, Yoshonori Ohsumi a recommandé le jeûne, ce n'était pas pour guérir le cancer encore moins l'Alzheimer. Pour ce médecin, en cas d'absence de nutriments durant une bonne période, se produit l'autophagie. C'est-à-dire, les cellules éliminent les constituants inutiles, défectueux ou toxiques, et recyclent ceux qui peuvent l’être pour produire ce qui est absolument nécessaire et sain pour l'organisme. En clair, l'autophagie est un processus métabolique ou une cellule "va se manger" elle-même pour se nourrir très sainement et lutter contre les infections. Et donc pour certains pseudo-experts ou naturopathes, lorsqu'un sujet ne mange pas, les cellules cancéreuses n'ayant pas de nutriments, vont se manger entre elles et faire disparaître progressivement la maladie. Alors qu'il n'en est rien selon les médecins.

Dans une archive de l'Inserm, relayé par l'AFP, on découvre que "Les cellules cancéreuses ont la capacité de se multiplier à l’infini et ont pour cela besoin d’une très grande quantité d’énergie. La plupart des cellules cancéreuses ... consomment beaucoup plus de sucre que les cellules saines". Ce qui veut tout simplement dire, que même en cas d'absence de nutriments (jeûne), les cellules cancéreuses vont s'adapter et se multiplier en puisant cette fois l'énergie dans les autres organismes, particulièrement les muscles et le glucide dont a besoin le corps pour survivre.

Cela ne peut donc pas être une aubaine pour le patient qui souffre de cancer. Au contraire, cela peut l'affaiblir encore davantage et potentiellement le tuer. Le jeûne comme remède contre le cancer serait une "contre-indication" et potentiellement mortel pour le patient cancéreux, comme le martèle dans une archive relayée par l'AFP le Pr Bernard Srour, épidémiologiste de l'Inrae coordonnant le réseau de recherche Nacre (nutrition et cancer).

Vrai ou faux : le jeûne est un remède contre le cancer ?

On note que relativement à tous ces arguments scientifiques et ces témoignages, le jeûne est un puissant allié pour les cellules du corps. Mais, contre le cancer, ce remède reste à prouver. Car scientifiquement, il n'y a pas de preuves concordantes qui pourraient donner du crédit à une telle pratique. Si vous avez un médecin traitant, veuillez prendre tous les conseils nécessaires avant d'entamer un quelconque jeûne contre votre cancer ou contre une maladie spécifique..

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