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Cancers de la peau : "Le nombre de cas double tous les dix ans", alerte la dermatologue Candice Lesage - Midi Libre

À l’heure des premières expositions au soleil déjà chaud du printemps, Candice Lesage, dermatologue à l’ICM, l’institut du cancer de Montpellier, rappelle les conseils essentiels pour éviter les ravages des UV, responsables à 85 % des cancers de la peau.

Candice Lesage est dermatologue à l’ICM de Montpellier, qui organise le 25 mai prochain, avec le CHU de Montpellier, une journée d’informations sur les cancers de la peau, dans la salle de cours, au niveau – 1 du service de Dermatologie de Saint Éloi du CHU de Montpellier, de 9 h 30 à 12 h. À partir du 10 juin prochain, le Syndicat national des dermatologues vénérologues lance la campagne de sensibilisation aux dangers du soleil, "Sauver sa peau".

Candice Lesage, dermatologue à l’ICM : "Pas d’enfant à la plage sans protection".
Candice Lesage, dermatologue à l’ICM : "Pas d’enfant à la plage sans protection". Midi Libre - SYLVIE CAMBON

Année après année, les messages de prévention sur les dangers d’une exposition inadaptée au soleil se répètent, mais le nombre de cas de cancers de la peau ne cesse de progresser…

Le nombre de cas double tous les dix ans depuis les années 70-80. C'est lié en partie au vieillissement de la population, à une meilleure détection et on paye maintenant les habitudes d’exposition au soleil des années 70-80-90.

Ces cancers surviennent pour la plupart à la soixantaine ?

C’est souvent après 60 ans, même si on voit des personnes plus jeunes.

Les cancers de la peau sont liés à 85 % à une exposition aux ultraviolets ?

C’est le facteur de risque principal connu, et le seul qui est évitable. C’est soit l’exposition solaire qu’on a reçue tout au long de la vie, soit des expositions solaires intenses, avec des coups de soleil, dans l’enfance et l’adolescence.

Ce qui se passe dans l’enfance augmente le risque…

Oui.

"Plus on a la peau claire, plus il y a un risque"

Et quand on parle de peaux plus à risques que d’autres ?

Oui, c’est ce qu’on appelle le phototype, la couleur de la peau, selon qu’elle est plus claire ou plus foncée, la couleur des yeux, la présence ou pas de taches de rousseur et la capacité à bronzer.

Plus on a la peau claire et moins on bronze, plus on a un risque de cancer cutané.

Et pour les autres, on accélère le vieillissement de sa peau…

Aussi. C’est aussi une question esthétique qui peut aussi être prise en compte dans les messages de prévention. Quelle que soit la couleur de la peau, l’exposition au soleil majore les signes de vieillissement de la peau, c’est certain.

Comment se repérer dans les différents types de cancer ?

Sous le nom de cancer cutané, il y a beaucoup de maladies différentes. Les carcinomes basocellulaires et les carcinomes épidermoïdes cutanés sont les plus fréquents. Ils résultent de la transformation maligne de kératinocytes, les cellules principales de la peau.

Les carcinomes basocellulaires sont les moins graves, dans leur immense majorité, ils ne donnent jamais de métastases. Les tumeurs évoluent lentement, mais elles peuvent prendre une taille importante, évoluer en profondeur.

Ce qu'il faut savoir sur les cancers de la peau.
Ce qu'il faut savoir sur les cancers de la peau. SOPHIE WAUQUIER

Les carcinomes épidermoïdes, moins fréquents, se développent rapidement, en quelques mois. Dans 10 % des cas, ils peuvent donner des métastases.

Les mélanomes sont les moins fréquents de ces trois types de cancers, mais les plus graves, et les plus à risques de métastases.

Il y a aussi d’autres cancers plus rares.

"Il faut consulter son généraliste"

Quels sont les signes qui doivent alerter ?

De façon générale, quelque chose de nouveau sur la peau, qui grandit, évolue, se met à saigner, ne cicatrise pas.

Pour détecter un mélanome, il y a deux règles simples : la première, c’est ABCDE, pour une lésion asymétrique, aux bords irréguliers, avec une couleur non-homogène (on dit souvent trois couleurs), d’un diamètre supérieur à six millimètres.

Le plus important, c’est le E de évolution.

L’autre règle très simple est celle du "vilain petit canard" : c’est une lésion vraiment différente des autres, dans sa taille, dans son aspect, qui doit alerter et être montrée.

Dans un contexte de pénurie généralisée de dermatologues, comment fait-on ?

Il faut consulter son généraliste, qui jugera s’il y a ou non nécessité de consulter un dermatologue, sachant que le CHU de Montpellier a mis en place une plateforme de télé expertise à destination des généralistes. Un avis spécialisé sera rendu très vite, sans attendre un délai trop long de consultation. Un rendez-vous rapide sera donné si nécessaire.

Il faut respecter au maximum ce parcours coordonné de soins pour ne pas perdre de temps.

Les cancers sont souvent pris à un stade précoce ?

C’est très variable. Dans l’immense majorité des cas, si le cancer est détecté précocement, avec une intervention chirurgicale, on peut régler le problème. Mais malheureusement, des cas plus graves nécessitent un traitement plus lourd avec radiothérapie et chimiothérapie.

"Un vaccin préventif c’est de la science-fiction pour l’instant"

Pourquoi n’a-t-on pas de chiffres précis, Santé publique France parle de 141 200 à 243 500 nouveaux cas par an…

On suit surtout l’incidence du mélanome, c’est plus compliqué pour le carcinome, fréquent. En 2023, l’Institut national du cancer, l’Inca, fait état de 17 922 cas nouveaux de mélanome en 2023, et 2000 décès par an.

Fin 2023, le laboratoire Moderna a annoncé l’arrivée d’un vaccin en 2025, il faut y croire ?

Il faut rétablir la vérité sur ce point. L’annonce s’est faite sans publication, les patients nous en ont très vite parlé. Ce qui est à l’étude en ce moment, et qui n’est pas encore accessible, c’est un vaccin de type recombinant comme pour le Covid, conçu à partir des cellules d'un patient qui a un mélanome. Il pourrait être administré à ce même patient en association avec une immunothérapie afin de prévenir les récidives. Ce n’est pas un vaccin pour éviter un premier cancer. Les premières données sont intéressantes, mais il faudra avoir plus de recul.

Un vaccin totalement préventif du cancer de la peau, c’est envisageable ?

Pour l’instant, c’est de la science-fiction.

Comment se protéger efficacement du soleil ?

Les comportements s’améliorent, notamment des jeunes parents avec leurs enfants, mais c’est très long de changer les comportements, d’autant que le bronzage reste valorisé.

Les règles de prévention sont simples : éviter l’exposition entre midi et 13 h, on pourrait dire 11 h – 17 h dans notre région, rechercher l’ombre au maximum, la protection vestimentaire est toujours mieux que la crème solaire (lunette, et tee-shirt), et on n’expose pas aux heures chaudes les enfants de moins de trois ans.

La crème solaire est un moyen de prévention comme un autre, c’est un complément, elles n’ont d’ailleurs plus le droit d’avoir la mention "écran total" sur l’emballage.

Dernière chose : il faut bannir les UV en cabine, ils sont cancérigènes.

"C’est bien que des gens connus parlent de leur cancer, ça permet d’éveiller les consciences"

Quels sont les UV les plus dangereux, UVA ou UVB ?

Les deux : les UVB sont responsables du bronzage, les UVA pénètrent plus profondément dans le derme et peuvent créer des dommages cellulaires qui se réparent de moins en moins et se transforment en cellules cancéreuses.

Le parasol ne suffit pas pour se protéger ?

Il n’y a pas une, mais un ensemble de protections. Le parasol est un moyen parmi d’autres, une protection partielle, qui est complémentaire des autres. Il n’empêche pas d’être soumis à la réverbération et une partie des rayons traverse la toile.

Des célébrités commencent à parler de leur cancer, Sarah Ferguson, duchesse d'York, "Ninja", la star du jeu vidéo Fortnite, il y a quelques jours le tennisman Andy Roddick... Quand des "people" communiquent, les messages passent mieux ?

C’est bien que des gens connus parlent de leur cancer, ça permet d’éveiller les consciences. Avec son phototype, Sarah Ferguson fait partie des gens plus à risques.

Il faut être plus vigilant quand on voyage ?

Dans l’hémisphère sud, le rayonnement solaire est plus intense que chez nous, ça vaut effectivement le coup de se protéger encore mieux. Et plus encore si on est une personne à risques.

Pourquoi votre spécialité est sinistrée, pourquoi est-ce si compliqué d’obtenir un rendez-vous chez un dermatologue ?

La première raison, c’est que le numerus clausus a été trop longtemps fermé, il y a eu moins de médecins formés, on n’arrive toujours pas à compenser le nombre de départs en retraite. Et au sein de la spécialité, un grand nombre de confrères font beaucoup ou quasi exclusivement de la médecine esthétique. Du coup, le nombre de médecins qui font de la dermatologie médicale est réduit. Tout ira mieux dans dix ans….

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