Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux mettent en scène des femmes hurlant et tapant sur le sol, lors de thérapies censées les réconcilier avec leurs émotions, et les libérer des injonctions qui leur sont imposées.
Dans un cadre bucolique de forêt verdoyante, une femme âgée d’une cinquantaine d’années se prend brusquement la tête entre les mains, avant de s’accroupir... Et de lâcher un cri strident, presque bestial, aussitôt repris par la dizaine de femmes qui l’entourent. La suite de la vidéo, majoritairement émaillée de hurlements, les voit frapper le sol à l’aide de bâtons. Certaines sautillent sur place ou s’échauffent, avant de s’époumoner : «Right now, I feel sad [En ce moment, je me sens triste]», ou encore «Right now, I feel afraid [En ce moment, j’ai peur]». L’extrait a été partagé des millions de fois sur les réseaux sociaux par des internautes, souvent incrédules et moqueurs.
Derrière ces hurlements et ces coups portés à la terre se cache une nouvelle tendance qui monte ces dernières semaines sur les réseaux sociaux : les «rage rituals», (comprenez les «rituels de la rage»), des sortes de retraites spirituelles au cours desquelles les femmes sont invitées à évacuer leur colère et leurs frustrations en groupe en criant ou en frappant le sol ou des objets inanimés.
L’Écossaise Mia Magik, à l’origine de cette vidéo, en est l’une des ambassadrices. Elle se présente sur son site internet comme une «marraine bonne fée» spirituelle. «Il y a un pouvoir primal qui s'éveille en vous et qui ne peut plus être contenu», peut-on notamment lire sur son site. «Rejoignez-moi et vos âmes sœurs pour recevoir le mysticisme resplendissant et immortel des séquoias», annonce encore la magicienne, qui propose des semaines de «pratique d'incarnation ancienne et alchimique afin d'allumer les flammes de votre féroce sagesse féminine.»
Libérer les femmes des injonctions
L’objectif : réconcilier les femmes avec leurs émotions, et les faire accepter et exprimer leurs sentiments pour briser les injonctions qui leur sont imposées. « En tant que femmes, on nous dit souvent : “Ne sois pas en colère, ne sois pas agressive, ne te défends pas. Ne protège pas ton intégrité. Ne dis à personne qu'il n'a pas le droit de toucher ton corps ou de te parler d'une certaine manière”», déplore Mia Magik dans un entretien donné au média britannique The Independant. «Le patriarcat a peut-être essayé d’obscurcir notre lumière, mais nous tissons notre propre destin», avance-t-elle dans un autre post sur son compte Instagram.
Jusqu’à 8000 dollars la semaine
Pour participer aux stages proposés sur son site internet, il faudra néanmoins avoir le portefeuille profond : pour une semaine de retraite spirituelle en forêt en Californie, il faut débourser entre 3000 et 4000 dollars. La «fée spirituelle» propose également une semaine de retraite dans la vallée de la Loire, en France, en août 2024, pour la modique somme de 8000 dollars la semaine.
Ces stages trouvent apparemment leurs adeptes : dans les centaines de commentaires qui défilent sous ses vidéos, de nombreuses femmes s’extasient devant la «force de la sororité» ou confient avoir eu «les larmes aux yeux» face à «une telle libération féminine». D’autres demandent à savoir «où sont organisées ces retraites» et si «tout le monde peut y avoir accès».
Le hashtag #ragerituals fait d'ailleurs état d'un certain succès sur TikTok, majoritairement outre-Manche : de nombreuses internautes se filment ainsi en train de taper dans des coussins, leur canapé, leur lit ou même des arbres pour «exprimer leur furie intérieure».
Ces retraites destinées aux femmes reposent sur la thérapie de psychologie du «cri primal», développée par le psychologue américain Arthur Janov dans les années 1970. Elle consiste concrètement à proposer au patient d’extérioriser une douleur psychologique en poussant des cris puissants. Cette thérapie est encore aujourd’hui controversée dans le monde de la psychologie conventionnelle pour son manque «d’études de suivi».
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