Crampes, maux de tête, vertiges, chaque fois, des témoignages identiques. La polémique enfle autour du Levothyrox, un médicament de Merck contre les problèmes de thyroïde. Reconditionné depuis le printemps, le Levothyrox fait vivre un calvaire à un grand nombre de ses utilisateurs, Annie Duperey -l'actrice est montée au créneau cette semaine -, et des dizaines d'anonymes qui ont raconté leur quotidien à Midi Libre alors que l'affaire secoue le laboratoire et les autorités de santé. “Ces effets secondaires sont notables, réels, mais ils ne mettent pas en danger les patients”, affirme la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Elle insiste, comme les associations de malades, sur la nécessité de ne pas arrêter le traitement. Parfois difficile à entendre. “Je vous envoie mon cri de douleur”, écrit une patiente, Christine Chenot.
Réactions timides
“Mon quotidien est devenu un enfer”, dit encore Angela Brunel à Roquemaure (Gard). Cette maman de deux jeunes enfants de 5 ans et 13 mois, en hypothyroïdie depuis mars 2009, incrimine directement ces “nouvelles boîtes” délivrées de manière anodine à la pharmacie, il y a un mois. “C'est comme si j'avais une bonne grippe. Je tiens à peine sur mes jambes, je perds mes cheveux par poignées, j'ai des migraines quotidiennes... jusqu'à ce que je découvre que je n'étais pas la seule, j'ai imaginé que j'avais un cancer.”
REPÈRES
Le médicament. Le Levothyrox est un médicament à base de levothyroxine, une hormone thyroïdienne de synthèse utilisée contre les dysfonctionnements de la thyroïde qui se manifestent par une hypothyroïdie (insuffisance de sécrétion de la thyroïde) ou par la sécrétion trop importante d’une hormone qui stimule la thyroïde. Il est prescrit à 3 millions de personnes en France.
Nouvelle formule. Merck a modifié la formule du médicament fin mars 2017, à la demande de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Le laboratoire assure que ce changement de formule ne concerne pas le principe actif, la lévothyroxine, mais porte sur les excipients qui lui sont associés, de manière à améliorer sa stabilité dans le temps : le lactose a notamment été remplacé par du mannitol, couramment utilisé comme additif alimentaire ou principe actif dans la chimie pharmaceutique et par de l’acide citrique.
L’affaire. Les conclusions de l’enquête de pharmacovigilance sur le Levothyrox sont attendues pour le mois d’octobre. En attendant, l’ANSM recense 5 000 déclarations d’effets indésirables depuis le 15 août. Parallèlement une pétition en ligne a réuni 220 000 signatures en quelques semaines, il y en avait dix fois moins mi-août. Le ministère de la Santé tente de temporiser : Agnès Buzyn s’est engagée jeudi à introduire au plus vite dans les pharmacies des médicaments alternatifs et à lancer une mission destinée à informer et à communiquer sur le médicament.
Depuis, elle est à peine rassurée : “On nous dit d'attendre que la tempête passe, qu'après, ça ira mieux... ils en savent quoi ?” La Gardoise, qui “donnerait tout pour avoir une ancienne plaquette de Levothyrox”, est désemparée. Elle se sent “prisonnière” et prend la parole “afin que l'on puisse nous comprendre et nous entendre”.
“J'ai eu très peur”
“J'ai eu très peur” : à Frontignan, Céline Perez, 75 ans dont vingt sous Levothyrox, a opté, il y a quinze jours, pour l'alternative au Levothyrox proposée par son médecin, le LThyroxine, une solution buvable prescrite aux enfants aujourd'hui validée par le ministère de la Santé. “Fatigue intense, emballements du cœur, maux de tête, maux de ventre...” L'Héraultaise, qui a perdu 14 kilos depuis le mois d'avril et qui “n'osait plus sortir de la maison”, revit.
Aurélia Bouchée, maître de chais, a pris la même option, après des semaines gâchées par la nouvelle formule, “un urticaire buccal s'est déclaré en pleine période de vendanges, il m'était impossible de goûter mes moûts à cause de la douleur de ma langue”. À Agde, Perpignan, Uchaud, l'histoire se répète. À Saint-Gervasy, dans le Gard, Gilbert Rambeaud-Dugourd, fait encore état de soudains “symptômes gênants, douloureux et à la limite invalidants” après quinze ans de vie sous Levothyrox.
"Les autorités de santé ne bougent pas"
“Prudent sur la relation cause à effets”, il “observe la suite avec beaucoup d'attention”. “Je ne vous cacherai pas mon inquiétude devant les réactions timides des autorités”, confie-t-il. Céline Perez, “révoltée”, espère que cette énième “affaire” finira devant un tribunal. Alors que des plaintes sont déjà déposées, elle sait combien le parcours est long et difficile. “Les autorités de santé ne bougent pas. Quand on n'est pas concerné, on survole le problème... C'est le pot de terre contre le pot de fer.”
Au CHU de Montpellier, le docteur Hillaire Buys veille sur la sécurité du médicament. Elle “considère qu'il n'y a pas pour le moment suffisamment de données scientifiques sur le sujet, à part de nombreuses déclarations dont on ne sait pas encore si elles sont en relation avec le changement de formulation”.
Les patients manifestent devant l’Assemblée nationale
Quelques dizaines de personnes se sont rassemblées vendredi 8 septembre devant l’Assemblée nationale pour demander l’abandon de la nouvelle formule du Levothyrox. "On va demander de débloquer en urgence les stocks (de l’ancienne formule, NDLR) qui existent en Allemagne et en Belgique", a déclaré Chantal L’Hoir, fondatrice de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), reçue en fin d’après-midi par la ministre de la Santé Agnès Buzyn qui exclut toujours cette éventualité.
L’association, soutenue par l’avocate et ancienne magistrate Marie-Odile Bertella-Geffroy et par la députée européenne écologiste Michèle Rivasi, rejette les explications données par le laboratoire Merck Serono et par les autorités sanitaires. Selon ces dernières, les effets indésirables ressentis par certains patients sont transitoires car dus aux questions de dosage et vont s’estomper quand le bon équilibre sera atteint pour chaque patient. "Je leur réponds à ça ce que répond Anny Duperey : "On leur fera avaler la boîte et le carton avec !", a rétorqué Chantal L’Hoir, reprenant une formule utilisée par l’actrice dans une lettre ouverte à la ministre de la Santé.
"Cette nouvelle formule, celui qui veut la prendre et s’empoisonner, c’est son problème", a ajouté la responsable associative. Présente à la manifestation, Marie-Odile Bertella-Geffroy a expliqué avoir accepté de devenir l’avocate de l’association et avoir l’intention de porter l’affaire devant la justice. "J’ai été contactée par la présidente de l’AFMT pour déposer une plainte auprès du parquet du pôle de santé publique. Nous allons mettre en cause dans cette plainte contre X les autorités sanitaires et le labo", a déclaré celle qui a été à la tête de ce pôle de santé publique jusqu’en 2013.
"Ces médicaments sont très sensibles et on ne peut pas, sans information ni procédure longue et scientifique en changer la formulation. (...) On est des cobayes", a déploré l’avocate, elle-même traitée avec ce médicament. La semaine dernière, une avocate de Mougins (Alpes-Maritimes) avait déjà déposé plainte contre le laboratoire Merck pour "mise en danger de la vie d’autrui". Pour Anne-Catherine Chauley, 58 ans, qui a subi une ablation de la thyroïde en 2006 et qui assure souffrir depuis mai de "vertiges, crampes, fatigue" avec le nouveau traitement, "il y a bien une négligence fautive du laboratoire Merck et une faute de celui qui a ordonné le changement de la molécule sans indiquer les conséquences possibles de ce changement".
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