La haute juridiction a désavoué vendredi les parents d’Inès, 14 ans, en donnant raison à l’équipe médicale de l’hôpital de Nancy, qui estime que son maintien en vie relève de l’acharnement thérapeutique.
Peut-on aller à l’encontre des souhaits de parents qui veulent que leur enfant vive à tout prix ? C’était la redoutable question posée au Conseil d’Etat qui devait statuer en appel sur la poursuite ou non de la réanimation d’Inès, une adolescente de 14 ans dans un état végétatif persistant depuis plus de six mois. L’équipe médicale considérait que poursuivre les traitements tenait de l’acharnement thérapeutique, contrairement aux parents d’Inès. C’est un dilemme, entre le choix d’Antigone et les vérités imparfaites de la médecine.
Mais, de fait, l’ordonnance rendue vendredi après-midi par les juges du Conseil d’Etat s’inscrit pleinement dans l’esprit de la loi Claeys-Leonetti en validant l’arrêt des traitements demandé par les médecins. «Au vu de l’état irréversible de perte d’autonomie de la jeune [patiente] qui la rend tributaire de moyens de suppléance de ses fonctions vitales, écrivent les juges, la poursuite des traitements est susceptible de caractériser une obstination déraisonnable.» Puis : «Il s’ensuit que la décision du 21 juillet 2017 d’interrompre la ventilation mécanique et de procéder à l’extubation de la jeune [patiente] répond aux exigences fixées par la loi… Il appartiendra au médecin compétent d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, si et dans quel délai la décision d’arrêt de traitement doit être exécutée.» La famille est donc déboutée, les juges s’appuyant essentiellement sur l’argument de l’acharnement thérapeutique et l’absence de tout espoir clinique. Les parents ont aussitôt décidé de déposer un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). «La requête sera déposée dans les jours à venir et les médecins en seront informés», a annoncé leur avocat.
«Faisceau». Cette histoire est emblématique d’une préoccupation de l’époque. Alors que l’on évoque de manière récurrente à travers des sondages répétés les souhaits affichés des Français d’autoriser l’euthanasie, dans les faits, les équipes médicales sont, elles, de plus en plus confrontées à des demandes de poursuite de traitements qui leur paraissent non justifiées. Ainsi, en septembre 2016 à Marseille, l’histoire de Marwa, enfant de 1 an, dans le coma après avoir contracté un virus et maintenue en vie grâce à un appareil respiratoire. L’équipe médicale, après une réunion collégiale, comme le veut la loi, propose d’arrêter l’appareil. Mais les parents s’y opposent, se tournant vers la justice qui ordonne la poursuite des soins, arguant que la situation clinique de l’enfant peut encore évoluer. Un an et demi plus tard, rien n’a changé.
L’histoire d’Inès n’est guère différente. Nous sommes dans l’est de la France, la jeune fille souffre depuis l’enfance d’une myasthénie auto-immune, maladie qui évolue au gré des crises, entraînant une faiblesse musculaire généralisée. Comme l’a raconté le journal l’Est républicain le 22 juin, la jeune fille a fait un arrêt cardiaque à son domicile. A son arrivée, le Samu tente de la réanimer, mais Inès reste totalement inconsciente. Hospitalisée au service de réanimation pédiatrique de l’hôpital de Nancy (Lorraine), elle est depuis maintenue en vie. Mais très vite, les médecins estiment qu’il n’y a plus aucun espoir. Et le 21 juillet, à l’issue d’une procédure collégiale, l’équipe propose de suspendre les soins. «L’histoire, l’examen clinique, les résultats de l’imagerie, les électroencéphalographies sont un faisceau concordant témoignant de possibilités d’amélioration ou de guérison quasi nulles selon les données actuelles de la science», écrit le chef de service.
La décision d’arrêt des soins prise le 21 juillet est transmise aux parents, qui s’y opposent. Ils saisissent le tribunal administratif de Nancy, lequel ordonne une expertise médicale. Rendue en novembre, celle-ci conclut au caractère «déraisonnable» du maintien de l’assistance respiratoire et de la sonde gastrique alors que le «pronostic neurologique est catastrophique et qu’Inès est dans un état végétatif persistant. […] Le caractère irréversible des lésions est certain». Sur la base de ces avis médicaux qui affirment que les traitements sont «inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie», les juges de Nancy avaient déjà rejeté le recours des parents.
«Pas de certitudes». C’est pourquoi le Conseil d’Etat a tranché, en tant qu’instance d’appel. Lors de l’audience fin décembre, la mère d’Inès a mis en avant ses convictions religieuses. Pour les parents de l’adolescente, «une chance, même minime, existe encore», a expliqué leur avocat, Frédéric Berna. «Tant qu’il n’y a pas de certitude, c’est comme si j’autorisais un crime», a affirmé la mère d’Inès au journal le Monde : «Notre fille nous appartient, pas aux médecins.» Sauf que la loi ne dit pas cela. Dans ce genre de situation, ce sont ces derniers qui décident. Pour autant, peuvent-ils aller à l’encontre des parents ?
«Il n’y a pas d’autre choix que d’appliquer la loi», a insisté l’avocat de l’hôpital, Bertrand Marrion, invoquant «l’intérêt de l’enfant» : «A l’heure actuelle, le traitement qui est donné à Inès ne lui procure aucun bénéfice. Il faut arrêter de s’acharner !» Comme il l’avait déjà fait pour Vincent Lambert, le Conseil d’Etat a donné raison aux médecins.
Mais reste une question, celle-là beaucoup moins juridique et pourtant essentielle : si l’arrêt des traitements de l’adolescente est définitivement validé, comment faire en sorte que cela se passe dans une relative sérénité, aussi bien pour l’équipe médicale que pour la famille ?
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