
Les rapporteurs pointent la réaction trop tardive du ministère de la Santé face à l'«érosion inquiétante de la couverture vaccinale» et le manque d'investissement de l'Education nationale. Ils recommandent par ailleurs la vaccination obligatoire des professionnels de santé contre la grippe.
La Cour des comptes s’est penchée dans son dernier rapport, rendu public ce mercredi, sur «la politique vaccinale : un enjeu de santé publique, une confiance à conforter». Son analyse se révèle «tonique», bien que tardive, car elle intervient à un moment où les pouvoirs publics se sont enfin décidés à réagir en rendant ainsi obligatoires onze vaccinations chez les nourrissons. Au passage, elle recommande la vaccination obligatoire contre la grippe des personnels de santé.
Absence de réactivité
Le constat, on le connaît. Aujourd’hui, «les couvertures vaccinales demeurent fragiles et des disparités fortes persistent selon les vaccins», ce qui n’est pas sans conséquence : «ces disparités peuvent être à l’origine d’émergences épidémiques». Pour l’expliquer,les magistrats de la rue Cambon pointent non sans raison le manque de réactivité des pouvoirs publics depuis vingt ans devant les reculs de la vaccination en France. «L’hésitation vaccinale est aujourd’hui plus marquée dans notre pays qu’ailleurs et représente une cause essentielle de la fragilisation de la couverture vaccinale. Dans ce contexte, la mobilisation des pouvoirs publics a manqué de réactivité et de force, écrivent-ils. Les plans successifs visant à relancer la politique vaccinale n’ont débouché que sur des mesures partielles, mal coordonnées, insuffisantes en tout état de cause pour renforcer suffisamment l’adhésion vaccinale. Ils ont laissé subsister en particulier un calendrier vaccinal d’une complexité sans cesse croissante, juxtaposant vaccinations obligatoires et vaccinations recommandées, de moins en moins lisible pour la population, comme pour les professionnels de santé, dont une proportion importante manifeste désormais des doutes sur l’utilité de certains vaccins.»
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Mauvais point, en particulier pour le ministère de la Santé qui «n’a réagi que tardivement au constat d’une érosion inquiétante de la couverture vaccinale». Car ce n’est qu’en 2012 seulement qu’a été lancé «un programme national d’amélioration de la politique vaccinale, huit ans après la définition des objectifs en ce domaine par la loi de santé publique d’août 2004». Autre faiblesse : le non-investissement du ministère de l’Education nationale : «La position en complet retrait du ministère de l’Education nationale à l’égard des problématiques de la vaccination, de sa responsabilité et de son rôle dans ce domaine n’en apparaît pas moins, vingt ans après cet épisode, particulièrement dommageable.» Et la Cour des comptes d’émettre ce souhait : «Une stratégie vaccinale renouvelée impose une approche interministérielle forte qui doit avoir pour priorité de redonner à l’école un rôle actif dans l’amélioration des taux de couverture et dans la prévention de l’hésitation vaccinale.»
Manque de civisme
Dans ces conditions, la Cour des comptes demande une politique d’ensemble, avec la généralisation du carnet de vaccination électronique, mais aussi d’ouvrir plus largement aux professionnels de santé, comme aux infirmiers ou aux pharmaciens, la possibilité de réaliser des vaccinations. Point plus original et plus polémique, les magistrats veulent «revenir sur la suspension de l’obligation de vaccination contre la grippe des professionnels de santé».
C’est vrai que sur ce point, les professionnels de santé manquent particulièrement de civisme. Contre la grippe d’hiver, ils rechignent à donner l’exemple, quitte à transmettre le virus. «Si une enquête met en évidence un taux global de couverture vaccinale proche de 80 % chez les médecins généralistes en 2012-2013, la couverture vaccinale contre la grippe saisonnière reste insuffisante. Elle a notamment chuté de 40 % en moyenne entre 2008-2009 et 2010-2011», notent les magistrats. Plus récemment, une enquête menée auprès de 3 000 professionnels de santé souligne que seule la moitié (46 %) s’est fait vacciner contre la grippe lors de l’hiver 2016-2017, ce qui peut s’avérer grave dans certains contextes. «Cette situation apparaît d’autant plus singulière que l’article 62 de la loi du 19 décembre 2005, insiste la Cour des comptes, dispose qu’une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention, de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe», obligation dont la loi prévoit qu’elle puisse être suspendue par un texte réglementaire. Sans bonnes raisons, un décret du 14 octobre 2006 a procédé à sa suspension pour la grippe. Dans ses recommandations, la Cour des comptes se montre ferme : «Le rétablissement de cette obligation apparaît d’autant plus nécessaire qu’outre le renforcement de la protection des patients et des professionnels qu’elle poursuit, elle revêt un caractère encore accru d’exemplarité dans le contexte nouveau d’extension des obligations vaccinales de la petite enfance.»
Sera-t-elle suivie par Agnès Buzyn qui, certes, s’est montrée agacée par la faible vaccination des professionnels de santé, mais qui a décidé de ne pas les contraindre «pour le moment» ?
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