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Agnès Buzyn favorable au remboursement de l'homéopathie malgré un "probable effet placebo"

La ministre de la Santé Agnès Buzyn s'est dite favorable au maintien du remboursement de l'homéopathie, médecine qui selon elle a "probablement un effet placebo" mais "ne fait pas de mal" sur RMC/BFMTV jeudi 12 avril 2018. L'homéopathie consiste à délivrer à des doses infinitésimales une substance produisant chez une personne saine des symptômes semblables à ceux présents chez une personne malade, l'objectif étant d'habituer l'organisme pour progressivement le désensibiliser. "C'est probablement un effet placebo. Si ça peut éviter d'utiliser des médicaments toxiques, quelque part je pense que nous y gagnons collectivement. Voilà : ça ne fait pas de mal", a-t-elle estimé.

Des plaintes ont été déposées contre les signataires de la tribune anti médecines alternatives

Des disciplines "sans aucun fondement scientifique", "nourries par des charlatans" et "basées sur des croyances promettant une guérison miraculeuse" : voilà comment sont qualifiées les médecines dites "alternatives" et en particulier l'homéopathie par 124 professionnels de santé et médecins dans une tribune publiée dans Le Figaro le 18 mars 2018. Des syndicats de médecins favorables à l'homéopathie et aux médecines alternatives ont depuis répliqué en portant plainte devant le Conseil de l'Ordre des médecins contre les principaux signataires, dénonçant dans un communiqué une "tribune insultanteet anti-confraternelle" et invitant "tous ceux qui considèrent cette inadmissible agression idéologique comme une incitation à l'intolérance à se joindre à ces plaintes". Certains des signataires de la tribune originelle ont ainsi reçu des convocations devant l'Ordre, qui tentera d'abord une conciliation au niveau départemental, puis en cas d'échec transfèrera le dossier au niveau régional. En cas d'échec des réunions des conciliations, "nous allons ensuite tirer au sort deux médecins dans la liste tous les quinze jours pour de nouvelles plaintes", promet au Figaro le Dr Meyer Sabbah, médecin généraliste adepte des médecines alternatives et président de deux des organisations syndicales à l'origine de la plainte. "Non je n'ai pas peur", témoigne ainsi le Dr Vincent Ropars sur Twitter, faisant part de sa propre convocation. "Je suis même fier de ce qu'il m'arrive. Car si des contradicteurs amènent le débat sur le terrain de la plainte ordinale, c'est parce qu'ils n'ont probablement aucun argument valable à amener sur le terrain du débat public", ajoute-t-il.

La défense du Conseil National de l'Ordre des Médecins

"L'ordre des médecins tolère des pratiques en désaccord avec son propre Code de déontologie et les pouvoirs publics organisent, voire participent, au financement de certaines de ces pratiques", écrivaient les professionnels de santé signataires de la tribune, qui demandent donc "l'exclusion de ces disciplines ésotériques du champ médical". Piqué au vif, le Conseil National de l'Ordre des Médecins (CNOM) a réagi par un communiqué dans lequel il regrette "le trouble" provoqué par cette polémique. "Le public (…) peut avoir l’impression (…) que l’Ordre couvrirait par une inaction coupable des pratiques qualifiées de charlatanesques dans une pétition", est-il énoncé. Le CNOM explique alors n'avoir aucune "compétence institutionnelle pour se prononcer" sur les "aspects scientifiques" de l'homéopathie, et demande donc à l'Académie nationale de médecine et au ministère de la Santé "de bien vouloir se saisir de nouveau du sujet". L'Ordre rappelle également que "l’homéopathie est classée sur le plan européen au nombre des médecines alternatives et complémentaires". Enfin, sur "les aspects déontologiques", le CNOM reste dans sa procédure habituelle, selon laquelle "chaque cas particulier" peut donner lieu à une procédure disciplinaire lorsque le patient "n’a pas été pris en charge comme il aurait dû l’être en conformité avec les données acquises de la science", et ce "quelle que soit la méthode ou les procédés thérapeutique employés".

Académie de médecine, Ministère de la Santé et instance européenne : des avis plus ou moins datés

L'Académie nationale de médecine ne s'est pas encore prononcée suite à l'appel de l'Ordre, et la dernière publication disponible sur leur site sur le sujet date du 29 juin 2004. Selon ce communiqué, l’homéopathie est une "méthode obsolète" imaginée "à partir d’a priori conceptuels dénués de fondement scientifique", et dont il est "surprenant" qu'elle soit remboursée par la Sécurité Sociale. A l'époque, l'Académie de médecine avait ainsi demandé la "suppression de la prise en charge de l’homéopathie". Il reste à savoir si leur analyse aura évolué depuis.

Quant au ministère de la Santé, leur page consacrée à l'homéopathie et mise à jour en novembre 2016 se contente de rappeler qu'à ce jour, "l’utilisation des médicaments homéopathiques ne s’appuie pas (…) sur la médecine basée sur les preuves, mais sur la notion d’usage traditionnel" et de ne jamais l'utiliser en remplacement des médicaments dans les "maladies graves telles que le cancer" sous peine d'"interférer de façon préjudiciable sur l’évolution de ces pathologies". Cependant, Agnès Buzyn, ministre de la Santé et médecin hématologue, a confirmé jeudi 12 avril 2018 face à Jean-Jacques Bourdin sur RMC ne pas avoir l'intention de remettre en cause le remboursement de l'homéopathie, à laquelle "les Français sont attachés".

Plus récemment, en septembre 2017, le Conseil scientifique des académies des sciences européennes (Easac), formé par les académies nationales des sciences des États membres de l'UE, la Norvège et la Suisse, avait jugé qu'il n'y avait "aucune preuve solide de l'efficacité des produits homéopathiques pour quelque maladie que ce soit, même s'il y a parfois un effet placebo". Comme les 124 signataires de la tribune ayant démarré la polémique, l'Eesac juge que l'homéopathie peut même "être nocive" en "retardant ou en dissuadant un patient de rechercher une attention médicale appropriée et fondée sur des données probantes". Un autre danger de l'homéopathie selon cette instance européenne : saper "la confiance du public et des patients dans les preuves scientifiques". Les experts de l'Easac recommandaient au final que les assurances maladies ne les remboursent pas.

Avec AFP

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