CRISE SANITAIRE - Même si le confinement est prolongé jusqu'au 11 mai prochain, le coronavirus ne va pas s'arrêter de circuler pour autant. Pour le permettre, une seule solution estiment les chercheurs : bénéficier d'une immunité collective suffisamment large pour endiguer la pandémie. Où en est-on ?
- Idèr Nabili
Emmanuel Macron l'a annoncé : "le confinement le plus strict doit se poursuivre jusqu'au lundi 11 mai". À compter de cette date, les premières activités scolaires et professionnelles vont reprendre "progressivement". Toutefois, la pandémie de coronavirus, qui a déjà fait près de 15.000 morts dans l'Hexagone, ne sera pas endiguée pour autant. Le virus sera toujours en circulation, et les chercheurs craignent même l'arrivée d'une deuxième vague épidémique.
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Une part encore trop faible de Français immunisés
Pour l'éviter, il faudrait compter sur l'immunité collective. Un concept qui repose sur une idée simple : si suffisamment de personnes ont été au contact du virus, et ont développé des anticorps durant leur guérison, alors l'épidémie ne pourra plus se propager car le nombre d'individus immunisés sera trop important.
Dans le détail, les scientifiques estiment que plus de la moitié de la population doit être touchée par le Covid-19 pour parvenir à ce résultat. Pour qu'une deuxième vague ne voit pas le jour, "il faudrait que la France atteigne une proportion de la population touchée par l'épidémie qui soit très largement supérieure à ce que nous appelons le taux de vaccination, soit 60%", expliquait à LCI Arnaud Banos, chercheur au CNRS spécialiste de la modélisation, au début du mois d'avril. "Sur la première vague épidémique, les meilleurs modélisations dont nous disposons montrent qu'il faudrait que plus de 80% de la population soit déjà touchée par le virus pour éviter une deuxième vague."
D'autres spécialistes estiment que le seuil n'a pas besoin d'être aussi élevé. "Nous pensons que 40 à 60% est un seuil suffisant pour arrêter l'épidémie", estime le docteur Xavier Pothet, médecin généraliste (voir vidéo ci-dessous).
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Coronavirus : qu'est-ce que l'immunité collective ? Comment fait-on pour l'atteindre ?
Quels qu'ils soient, ces chiffres paraissent encore bien loin. Dans son allocution lundi soir, le présent de la République a indiqué que "d'après les premières données, une très faible minorité de Français ont contracté le Covid-19, ce qui signifie que nous sommes loin de (...) l'immunité collective".
"Aucun pays n'est capable" de donner "un pourcentage et un nombre de personnes" ayant "contracté" le virus ni de donner "la part de sa population qui est immunisée", a confirmé ce mardi matin Olivier Véran, le ministre de la Santé, sur RTL. "Nous disposons de simulations : les scientifiques estiment qu'il y aurait 10% de la population qui présenterait à cette date une immunité face au coronavirus", a-t-il indiqué.
Interrogé ce mardi lors de son point quotidien, Jérôme Salomon a estimé que "ce chiffre est proche de 5% à 10% de la population, selon la région".
Laisser le virus circuler pour créer l'immunité collective, une stratégie trop risquée
Ce faible pourcentage estimé de Français ayant contracté le virus est notamment dû au confinement, en vigueur dans le pays depuis le 17 mars dernier. Si le coronavirus circule toujours, moins de personnes ont été à son contact (et sont donc immunisés) que si le confinement n'avait pas eu lieu.
Cette stratégie de laisser le virus circuler dans la population a d'ailleurs été envisagée dans plusieurs pays. Au Royaume-Uni, le Premier ministre Boris Johnson avait dans un premier temps suscité la polémique, après avoir voulu faciliter l'émergence de l'immunité collective en ne confinant pas sa population. Mais "sur ce type de maladie qui peut être mortel, nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d'attendre l'immunisation naturelle des personnes, et donc attendre qu'il y ait des morts", analyse le professeur Imad Kansau, infectiologue à l'hôpital Béclère (voir vidéo en tête de cet article).
Finalement, après la publication d'une étude scientifique alarmiste annonçant des centaines de milliers de morts si aucune mesure de distanciation sociale n'était envisagée, Boris Johnson a fait machine arrière, et adopté des mesures de confinement similaires au reste de l'Europe. Aujourd'hui, le Royaume-Uni fait partie des pays les plus touchés par l'épidémie, avec plus de 12.000 victimes.
Combien de temps dure l'immunité ?
Autre question autour de cette immunité collective : combien de temps est-on protégé du coronavirus après l'avoir contracté ? Pour l'heure, aucune étude n'a permis de répondre à cette question, mais les chercheurs estiment que l'immunité pourrait ne pas être durable dans le temps. "Il est probable que chez tous les gens qui ont été infectés, l'immunité dure 3 à 6 mois", explique au Quotidien du médecin Frédéric Tangy, chercheur du CNRS affecté au laboratoire d'innovation vaccinale de l'institut Pasteur. "Si elle durait moins, ce serait exceptionnel pour un virus de ce genre."
En Asie, berceau de la pandémie, des patients considérés comme guéris du coronavirus ont été de nouveau testés positifs quelques jours plus tard. De quoi mettre en cause l'immunité générée par les anticorps ? Pour l'heure, l'hypothèse favorisée par les scientifiques est plutôt celle d'une réactivation du virus. Anthony Fauci, le conseiller de Donald Trump sur l'épidémie, écarte l'hypothèse d'une réinfection potentielle. "Je suis prêt à parier que les personnes qui se rétablissent sont vraiment protégées contre la réinfection", déclarait-il il y a quelques jours.
Le vaccin, seul moyen de créer l'immunité collective ?
L'une des solutions les plus sûres pour créer une immunité collective durable semble être le vaccin. S'il est très attendu, il paraît encore loin. "L'immunité offerte par le Covid-19 peut être considérée comme une protection jusqu'à ce que nous ayons un vaccin efficace à disposition", analyse le Dr William Schafnner, spécialiste des maladies infectieuses, à CNN. Mais même une fois développé, "le vaccin devra peut-être être administré chaque année".
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Les scientifiques du monde entier travaillent actuellement à l'élaboration de ce vaccin. S'il prend du temps, face à l'urgence, les recherches sont accélérées, et les essais en cours laissent espérer un antidote d'ici l'an prochain. Sur LCI, le président de la Ligne nationale contre le cancer et généticien Axel Kahn estime même qu'un vaccin pourrait apparaître dès "l'hiver prochain". "J'espère que nous le développerons de telle sorte que nous puissions éviter une deuxième ou troisième vague en 2021", explique-t-il. C'est, à ce jour, le meilleur moyen pour créer l'immunité collective de la population.
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