- Un message viral assure que le Covid-19 n'est pas directement à l'orgine des décès de certains patients, mais que le virus infecte une bactérie intestinale appelée prevotella, engendrant alors des troubles respiratoires.
- Sa présence en nombre chez les personnes âgées ou encore les obèses expliquerait la surmortalité dans cette catégorie de malades.
- Mais des scientifiques et infectiologues remettent largement en cause les affirmations du message.
C’est un message qui est devenu viral sur les réseaux sociaux et sur WhatsApp. Partagé en nombre ces derniers jours, il affirme qu'« une victoire est en vue contre le Covid ». La raison de cet optimisme ? Le résultat d’une recherche mondiale impliquant des équipes de Chine, des Etats-Unis et de France (à Lille, plus précisément).
Dans ce message sans signataire, dont les informations émaneraient de médecins de cliniques du groupe Elsan (deuxième groupe de cliniques privées de France) on affirme que « le virus ne tuerait pas directement, mais par l’intermédiaire d’une bactérie intestinale qu’il infecterait ».
Appelée prevotella, cette bactérie « déclencherait l’hyper-réaction immunitaire qui délabre les poumons et tue le malade ». Selon le message, c’est la raison pour laquelle les personnes âgées seraient plus touchées que les enfants car la prevotella « est de plus en plus présente avec l’âge ». Même chose pour la mortalité élevée chez les personnes obèses, car « leur flore intestinale déséquilibrée contient beaucoup de prevotella ».
Une bactérie à l’origine des décès ?
Cette découverte ouvrirait, selon le message viral, des perspectives encourageantes pour le traitement du coronavirus. Il suffirait d’utiliser l’azithromycine comme thérapeutique curative, « à prescrire dès le début de l’infection. Ce traitement passant par le rétablissement d’une flore intestinale saine qui neutralise prevotella (par la prescription de probiotiques, c’est-à-dire d’une bonne flore intestinale). »
Alors pourquoi ne pas explorer plus cette piste pour soigner les malades ? Sur ce point, le message développe une thèse complotiste : « Une piste thérapeutique ultra-prometteuse bon marché rendrait alors caduque l’utilisation d’un vaccin, de découverte aléatoire et onéreuse… ce qui ruinerait donc encore les espoirs lucratifs de Gilead [laboratoire pharmaceutique] et de ses lobbyistes, après l’échec patent de leurs antiviraux ». Mais c’est aussi la faute « des médias aux ordres qui nous taisent cette découverte majeure »
FAKE OFF
Bien écrit, riche en détails, ce message peut paraître crédible. Sauf que dans les faits, il y a de quoi être sceptique. A commencer par l’origine du texte censé avoir été partagé à l’origine par des médecins appartenant au groupe Elsan. Contacté sur le sujet, le groupe de cliniques privées dément formellement être à l’origine de ce partage sur les réseaux sociaux.
« Elsan n’est pas à l’origine de l’information qui circule actuellement sur les réseaux sociaux indiquant qu’une découverte majeure aurait été faite dans le traitement du coronavirus. Elsan ne valide pas cette information qui n’est ni vérifiée ni démontrée scientifiquement à ce jour. Elsan n’est aucunement impliqué dans ces recherches », nous a répondu le groupe.
Pas d’équipe lilloise directement impliquée
Du côté des chercheurs, le scepticisme prime. Interrogé sur le sujet par 20 Minutes, le chercheur François Trottein, directeur de recherche au CNRS et installé à l’Institut Pasteur de Lille, est un spécialiste du microbiote intestinal. Le 13 mars 2020, 20 Minutes avait même consacré un article aux recherches de son équipe. Les chercheurs avaient réussi à démontrer l’implication du microbiote intestinal dans la lutte contre les surinfections bactériennes liées à la grippe saisonnière.
Sauf que cette étude n’a pas encore prouvé de mécanisme comparable pour le coronavirus. « Notre étude a montré qu’au cours de la grippe, il y avait une perturbation du microbiote intestinal, explique le chercheur. Cette perturbation est à l’origine d’une surinfection bactérienne. On dit que si on arrive à protéger le microbiote avec des prébiotiques ou des probiotiques, on pourrait mieux se défendre contre les infections respiratoires. Potentiellement, il pourrait y avoir des applications dans le Covid-19 mais ça reste une hypothèse. On va travailler là-dessus mais il n’y a rien de sorti pour l’instant. »
Aucune publication dans une revue scientifique
S’il n’a pas directement reçu le message WhatsApp qui circule actuellement, François Trottein a bien reçu par email une lettre rédigée en anglais par Sandeep Chakraborty, un chercheur indien qui travaille à l’université de Californie et parle de cette découverte. Sauf que le directeur de recheche lillois reste circonspect.
« Les gens s’emballent là-dessus mais je n’y crois pas trop. Ce texte ne montre rien et n’est pas convaincant. Ce ne sont que des supputations. Rien n’est avéré. Il manque beaucoup d’éléments. Ce n’est même pas un article qui a été analysé par des experts », assure le directeur de recherche au CNRS.
Un traitement miracle remis en question
Quant à l’azithromycine dont le rôle serait essentiel dans le traitement de la bactérie selon le message, son utilité reste largement à trouver. Infeciologue au CHU d’Angers, le professeur Vincent Dubée, qui a lancé une étude sur la chloroquine, ne cache pas ses doutes.
« Déjà, pour avoir traité beaucoup de patients du Covid, je peux vous dire qu’on ne retrouve pas de prevotella dans leur sang. En plus, pour traiter une bactérie comme celle-ci, l’azithromycine ne serait clairement pas privilégiée. Il y a d’autres antibiotiques bien moins toxiques et qui ont une activité bien plus rapide. ».
Avec un groupe qui nie être à l’origine du message viral, un chercheur qui conteste le texte publié et un infectiologue qui a des gros doutes sur l’utilité du remède miracle annoncé, la découverte majeure annoncée sur WhatsApp a plutôt des airs de pétard mouillé.
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