Plusieurs lecteurs nous ont signalé avec inquiétude une multiplication par 4 du nombre de contaminations entre le 1er et le 2 juin. Pas de quoi tirer la sonnette d'alarme : cela est dû au nombre de tests effectués. Le point en quelques graphiques.
"On peut dire qu’actuellement, raisonnablement, l’épidémie est contrôlée." C'est ce qu'a déclaré Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique, vendredi 5 juin sur France Inter, à propos du coronavirus Sars-CoV-2. Un constat attendu avec impatience, alors que le pays se déconfine pas à pas. Le virus "continue à circuler, en particulier dans certaines régions", a cependant nuancé le professeur Delfraissy, "plus, évidemment, en région parisienne que dans le sud-ouest de la France, mais il circule à une petite vitesse".
Pourtant, ces derniers jours, plusieurs lecteurs nous ont signalé une "augmentation rapide du nombre de personnes contaminées" en France. Car face aux 155 et 148 cas du 31 mai et du 1er juin, ce sont 692 contaminations qui ont été rapportées le 2 juin et 617 le 3 juin sur le site de Santé publique France, soit près de quatre fois plus. Faut-il s'en inquiéter ? Décryptage en quelques graphiques par la cellule #VraiOuFake de franceinfo.
La proportion de tests positifs diminue légèrement
Pour déterminer si une personne a été contaminée au Sars-CoV-2, un test virologique est nécessaire. Comme l'explique Santé publique France (PDF), "depuis le déconfinement, il est demandé que les patients présentant des symptômes évocateurs du Covid-19 ainsi que les sujets contacts d’un cas confirmé soient dépistés pour le Sars-CoV-2". Mais, comme durant le confinement et la vague épidémique, ce dépistage n'est pas systématique pour autant. Néanmoins, grâce à cette plus grande précision, l'étude du nombre de tests quotidiens depuis la mi-mai permet d'analyser la dynamique de l'épidémie.
A première vue, les variations du nombre quotidien de contaminations semblent liées au nombre de tests réalisés : le pic de 672 contaminations observé le 2 juin est atteint en même temps qu'un pic du nombre de tests ce même jour, avec 42 674 prélèvements effectués. Même chose le 26 mai, avec 721 contaminations déclarées pour 48 645 tests.
En regardant ce graphique de plus près, on s'aperçoit également que les "creux" observés sur les deux courbes ont lieu pendant les jours de moindre activité, c'est-à-dire les dimanches et les jours fériés (l'Ascension, le 21 mai, ainsi que le lundi de Pentecôte, le 1er juin). De quoi expliquer les grandes variations du nombre de cas recensés.
Pour autant, les tests sont-ils moins souvent positifs qu'auparavant ? En divisant le total des tests par le nombre de tests positifs, on obtient le taux de positivité : grâce à lui, on peut visualiser l'évolution de la part de tests positifs au fil du temps.
Ce taux de positivité suit une légère diminution. Ainsi, le 13 mai, 2,3% des tests étaient positifs, contre 1,5% le 4 juin. A la lueur de ces taux, aucun changement majeur de la dynamique de l'épidémie n'est donc à déplorer. Santé publique France précise d'ailleurs que ce taux est inférieur à 5% pour chacun des départements métropolitains. En Guyane, cependant, 9,4 tests virologiques sur 100 sont positifs, un taux qui monte même à 28,8 % à Mayotte.
Le nombre d'hospitalisations continue de baisser
Les tests ne signifient cependant rien quant à la gravité de la contamination : les personnes positives peuvent être asymptomatiques ou ne pas présenter de symptômes nécessitant une hospitalisation. Qu'en est-il, donc, de l'évolution quotidienne des hospitalisations en France ?
Comme l'expose ce graphique, le nombre de nouveaux patients hospitalisés suit en moyenne une diminution depuis le 1er avril : 4 281 patients entraient à l'hôpital à cette date, contre 195 le 4 juin, soit plus de 21 fois moins. Une amélioration plus que notable même si, là non plus, cette évolution n'apparaît pas linéaire, notamment du fait des dimanches et des jours fériés. Santé publique France ajoute par ailleurs que du 25 au 31 mai, les passages aux urgences pour suspicion de Covid-19 ont diminué de 27% par rapport à la semaine précédente. Une diminution générale observée pour la 9e semaine consécutive.
Quant au total des patients actuellement hospitalisés, celui-ci diminue aussi sans discontinuer. Le 7 juin, il y avait 2,6 moins d'hospitalisations en cours par rapport au pic du 14 avril, où 32 131 personnes étaient prises en charge par les soignants. Les hôpitaux ne vivent donc pas à l'heure actuelle de "seconde vague".
Le nombre de personnes infectées par un malade reste inférieur à 1
Pour se faire une idée de la dynamique épidémique, un dernier indicateur peut être utilisé : le nombre de reproduction effectif. Baptisé "R effectif", il a été introduit le 28 mai par le ministre de la Santé, Olivier Véran. En clair, le R effectif représente le nombre moyen de personnes infectées par un seul malade. Lorsqu'il est supérieur à 1, cela veut dire qu'un malade contamine en moyenne plus d'une personne : l'épidémie progresse. Si le R effectif est inférieur à 1, alors "l'épidémie régresse", comme l'a expliqué Olivier Véran.
A partir des données des passages aux urgences pour suspicion de Covid-19, le ministère de la Santé a donc estimé que, le 15 mars dernier, le R effectif était égal à 2,8. Un malade contaminait donc en moyenne 2,8 personnes. "Il a ensuite diminué", rapporte Santé publique France, "et, le 11 mai 2020, lors de la mise en place du déconfinement, il était de 0,8. Il est globalement stable depuis cette date." En effet, le 29 mai, le R effectif était égal à 0,76 pour tout le territoire français. Un signe du recul de l'épidémie. Néanmoins, des disparités régionales existent : en Guyane, un malade contamine encore près de trois personnes. A Mayotte, toutefois, ce nombre est désormais inférieur à 1, avec 0,9 habitant contaminé par un malade.
Interrogé par franceinfo, l'épidémiologiste genevois Antoine Flahault confirme ne pas voir "de signes inquiétants" d'une potentielle seconde vague épidémique en France. Seule inquiétude : le nombre de personnes disposant d'anticorps contre le Sars-CoV-2 depuis leur infection, que l'on appelle séroprévalence, serait insuffisant pour atteindre l'immunité collective, ce barrage humain contre un regain de l'épidémie.
"Toutes les enquêtes de séroprévalence, qui regardent des anticorps dans le sang des personnes de différentes régions du monde, montrent que ce taux [d'immunisation] est très faible." A Genève, "10% seulement de la population du canton" posséderaient des anticorps contre le coronavirus, rapporte le directeur de l’Institut de santé globale de l'université de Genève. "Trop peu", selon lui, pour garantir une immunité collective et se prémunir d'une deuxième vague, même si le seuil de l'immunité collective est vivement débattu parmi les virologues.
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