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Covid à l'école : le coronavirus est-il vraiment inoffensif chez les enfants ? - Linternaute.com

Covid à l'école : le coronavirus est-il vraiment inoffensif chez les enfants ? CORONAVIRUS ENFANT. A quelques jours de la rentrée, les connaissances sur le Covid-19 chez l'enfant laissent toujours des zones d'ombre. Les cas et les complications restent rares, mais la contagiosité des plus jeunes pose question...

Le coronavirus peut-il rebondir dans les écoles en septembre et frapper de plein fouet les enfants ? C'est la question que se posent de nombreux parents et enseignants avant la rentrée scolaire 2020 qui s'annonce très particulière, alors que l'épidémie de Covid-19 rebondit désormais très sensiblement en France. Comme au moment du déconfinement à la mi-mai, de nombreuses inquiétudes se manifestent dans les médias. Les politiques comme les spécialistes (médecins, épidémiologistes, pédiatres...) se succèdent sur les plateaux de télévision, qui pour rassurer, qui pour mettre en garde sur la réouverture des classes. "Il faut que l'école reprenne", a tranché Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique lundi matin, au micro de France Info, dans la droite ligne du ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer et du Premier ministre Jean Castex qui s'est exprimé ce mercredi matin sur France Inter. "Il y aura des contaminations à l'école, des enfants vont se contaminer, probablement quelques enseignants aussi, mais on va le gérer", a assuré celui qui conseille le gouvernement sur le Covid-19 depuis le début de la crise sanitaire. Selon le Pr Delfraissy, les enfants sont porteurs du virus, mais en petite quantité et "les formes rares sont exceptionnelles chez le jeune public".

Pour préparer cette rentrée à risque, Santé publique France a publié un rapport à la mi-août sur le rôle des établissements scolaires dans la transmission du virus. Il en ressort d'abord qu'en cas de diagnostic positif, "les enfants sont beaucoup moins susceptibles d'être hospitalisés ou d'avoir une issue fatale que les adultes", les plus jeunes souffrant d'une infection "généralement plus légère ou asymptomatique, ce qui signifie que l'infection peut passer inaperçue ou ne pas être diagnostiquée". "Lorsqu'ils présentent des symptômes, les enfants excrètent la même quantité de virus que les adultes et sont donc contaminants comme le sont les adultes", indique en revanche Santé publique France, alors que la contagiosité des enfants fait partie des questions clés du moment. "Le caractère infectieux des enfants asymptomatiques est inconnu", reconnait l'agence sanitaire.

L'école ne sera pas un lieu de propagation selon Santé publique France

Concernant l'école, Santé publique France écrit dans son rapport que "très peu de cas groupés de Covid-19 en milieu scolaire" ont été documentés mais, qu'ils "se produisent et peuvent être difficiles à détecter en raison du peu de symptômes chez les enfants infectés". "Les investigations des cas en milieu scolaire suggèrent que la transmission d'enfant à enfant en milieu scolaire est rare et n'est pas la principale cause d'infection par le SARS-CoV-2 [...], en particulier dans les écoles maternelles et primaires". Enfin, les écoles ne semblent pas constituer des "environnements de propagation du virus plus favorables que les environnements professionnels ou de loisirs", conclue l'établissement public qui estime que ni l'ouverture ni la fermeture des établissements scolaires ne devrait impacter la transmission communautaire du Covid-19.

L'état des connaissances sur le Covid-19 chez les enfants reste parsemé de zones d'ombre, malgré ces messages et des chiffres rassurants. A l'échelle mondiale, la part des cas pédiatriques de Covid-19 est estimée entre 1 % et 5 % de l'ensemble des cas. Pour l'Union européenne, la proportion de malades âgés de 18 ans et moins est également sous les 5% selon un rapport de l'Agence européenne pour la prévention et le contrôle des maladies publié début août et relayé par Santé publique France. Les statistiques françaises sont à l'avenant. Dans son dernier bulletin hebdomadaire, Santé publique France estime par ailleurs que le taux d'incidence (pour 100 000 habitants) est actuellement de 8,4 chez les 0-14 ans, contre 43,1 chez les 15-44 ans, 19,5 chez les 45-64 ans, 10,1 chez les 65-74 ans et 11,4 chez les 75 ans et plus. L'agence de santé dénombrait seulement 28 jeunes de 14 ans et moins hospitalisés, dont 5 en réanimation, le 18 août.

A partir de l'observation clinique, on sait depuis plusieurs mois déjà que les enfants semblent moins touchés et souffrent de formes visiblement moins graves de la maladie. Très souvent, les enfants sont asymptomatiques ou "peu symptomatiques" concluent en substance les différentes études publiées sur le sujet. Dès le 24 février, la revue scientifique en ligne JAMA (du Journal of the American Medical Association) informait que sur les 72 314 premiers cas de coronavirus répertoriés alors en Chine, seuls 2% étaient des enfants et adolescents de moins de 19 ans et qu'il n'y avait aucun décès chez les enfants de moins de 9 ans. D'autres études publiées dans la même revue (ici ou ici), dans le Lancet, le reconnu Pediatric infectious didease, le site Pediatrics, ou encore une des études plus locales indiquent que les enfants semblent rarement atteints par le Covid-19 et que, quand ils le sont, ils sont touchés par des formes peu sévères (de "asymptomatique" à "modérée").

Dans le monde, "les formes critiques de la maladie chez les enfants semblent très rares (autour de 1% du total)" et "seule une poignée de cas de décès a été rapportée", résumait début mai le site Don't Forget The Bubbles (DTFB), spécialisé dans la pédiatrie, et qui a analysé toutes les études sur le sujet. Pour ce qui est de la France, le constat est partagé par plusieurs d'autres publications mentionnées sur le site de la Société française de pédiatrie

Une série d'études menées en France

Parmi les travaux les plus marquants sur l'impact du Covid chez les plus jeunes, une étude baptisée "Coville", pilotée par le pédiatre et infectiologue à l'hôpital de Créteil (Val-de-Marne) Robert Cohen, a été menée sur plusieurs centaines d'enfants avec le soutien de l'Association française de pédiatrie ambulatoire. Les résultats, dévoilés en pré-publication sur le site MedRxiv début juin, concluent en bref que "les enfants semblent moins contaminés et moins contaminants".

Que conclue l'étude "Coville" sur le Covid chez les enfants ?

Dans le détail, l'analyse portait sur 605 jeunes patients de moins de 15 ans, suivis par 27 pédiatres de ville, entre le 14 avril et le 12 mai. L'étude précise que 46,8% (soit 283) présentaient des symptômes légers, allant d'une simple toux à de la fièvre, en passant par des diarrhées ou des pertes de goût. A l'inverse, plus de la moitié (53,2% soit 322) étaient asymptomatiques, même si une part (118 enfants) avaient connu des symptômes en amont des tests. Les équipes de Robert Cohen ont établi que seuls 11 enfants (moins de 2%) ont eu un test PCR positif, montrant que le SRAS-CoV-2 était actif chez eux. Ils étaient pourtant 65 (10,7 %) à afficher un test sérologique positif, signe cette fois qu'ils avaient développé des anticorps contre le coronavirus.

Une autre étude, pilotée cette fois par Arnaud Fontanet, épidémiologie des maladies infectieuses et tropicales à l'Institut Pasteur, a porté sur les enfants, parents et enseignants de six écoles primaires de Crépy-en-Valois, commune française très touchée au début de l'épidémie, dès le mois de février 2020. Cette étude, réalisée avec le soutien de l'Agence régionale de la santé des Hauts-de-France et de l'Académie d'Amiens, a vu ses conclusions publiées fin juin sur le site de l'Institut Pasteur et détaillées une fois encore sur MedRxiv. "Les enfants ont fait des formes mineures de la maladie, avec des manifestations cliniques peu évocatrices", conclue Pasteur, qui mentionne la diarrhée et la fatigue comme seules manifestations de la maladie chez certains enfants infectés.

Que dit l'étude menée dans les écoles de Crepy-en-Valois ?

En résumé, sur les 1340 personnes incluses dans l'étude, 139 ont été infectées par le virus, ce qui représente 10,4% de la population étudiée. Par type de population, la proportion de patients infectés était de 45 sur 510 (8,8%) chez les enfants, 3 sur 42 (7,1%) chez les enseignants, 1 sur 28 (3,6%) chez les personnels non enseignants, 76 sur 641 (11,9%) chez les parents d'élèves et 14 sur 119 (11,8%) chez les proches. "Les enfants ont fait des formes mineures de la maladie, avec des manifestations cliniques peu évocatrices", conclue Pasteur qui mentionne la diarrhée et la fatigue comme seules manifestations de la maladie chez certains enfants infectés. "La proportion de formes asymptomatiques parmi les personnes infectées a été estimée à 8/81 (9.9%) chez les adultes, et à 24/58 (41.4%) chez les enfants".

Les connaissances sur le coronavirus chez l'enfant devraient continuer à s'affiner en France. Pour avoir une vue globale, le réseau national de recherche clinique pédiatrique Pedstart (un des réseaux thématiques de F-CRIN, porté par l'Inserm), a mis en place mi-avril "une Task Force qui vise à regrouper toute l'information concernant la population pédiatrique infectée". Celle-ci recense depuis "en temps réel les études cliniques menées en France sur le Covid-19 chez les enfants" (dont certaines sont mentionnées sur le site de la Société française de pédiatrie) et étudie "l'impact du Covid-19 sur la recherche clinique pédiatrique française et européenne". Une autre initiative, baptisée "Pandor", est soutenue par l'Association clinique et thérapeutique infantile du Val-de-Marne (Activ) et la Société française de pédiatrie. Une troisième, de plus long terme, est en cours via une coopération entre l'hôpital Necker à Paris et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). 1000 enfants venus consulter pour tous types de motifs sont testés ainsi qu'un de leurs parents. Les cas positifs seront suivis pendant un an.

"Pourquoi les enfants ont des symptômes légers avec peu d'hospitalisation ? J'avoue qu'aujourd'hui je n'ai pas de réponse", déclarait à l'AFP l'épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé global à l'Université de Genève, mi-avril. Le dimanche 19 avril, lors d'une conférence de presse du gouvernement, Florence Ader, infectiologue et pneumologue à l'hôpital de la Croix-Rousse des Hospices civils de Lyon (HCL), a elle aussi reconnu ne pas connaître les causes exactes de cette relative innocuité du virus sur les plus jeunes. L'immunité est une première piste d'explication qui semble suivie par Santé publique France. L'agence officielle française a publié le 5 mai sur son site une synthèse des études internationales sur le sujet. Selon elle, les enfants semblent autant sujets à l'infection par le SARS-CoV-2 que les adultes, mais développeraient très majoritairement des formes "peu graves" de la maladie, voire sans symptôme du tout, ce qui les rend plus difficiles à détecter.

Selon Robert Cohen, les enfants sont globalement moins sensibles aux virus et à leurs conséquences sur l'organisme, comme on peut l'observer pour des maladies comme la rougeole, la varicelle ou les oreillons, dont les adultes peuvent souffrir de manière autrement plus conséquente. Parmi les pistes d'explication citées par le pédiatre on trouve les "récepteurs du virus" qui seraient moins nombreux "sur leurs muqueuses nasales", le "nez qui coule" plus souvent et qui jouerait ainsi un rôle barrière, mais aussi la fameuse "immunité croisée" apportée par d'autres coronavirus bénins... Les enfants seraient en somme plus "entraînés" et donc plus résistants aux infections selon lui. Etienne Javouhey, chef du service d'urgences et de réanimation pédiatriques du CHU de Lyon, suggère lui aussi que la réponse immunitaire des enfants serait différente parce qu'ils sont globalement plus exposés aux infections virales, ce qui les rendrait "plus prompts à se défendre face à un nouveau virus". Les enfants seraient régulièrement touchés par des virus de la famille des coronavirus, ce qui pourrait leur permettre d'avoir déjà des défenses immunitaires adaptées. Ils développeraient des interférons (protéines du système immunitaire) qui leur permettraient de se défendre. Etienne Javouhey cite aussi dans Le Monde les vaccinations très régulières qui les protégeraient plus que les adultes, en stimulant leur système immunitaire.

Mais cette explication d'une réponse immunitaire plus adaptée peut être contestée. Selon Christèle Gras-Le Guen, Professeur des Université en pédiatrie, chef du service de pédiatrie générale et des urgences pédiatriques au CHU Nantes, le système immunitaire des très jeunes enfants "n'est pas encore en mesure de les défendre de façon efficace contre des bactéries qui, plus tard, ne leur feront ni chaud ni froid". "Avoir une maladie qui s'avère grave pour les plus âgés et qui n'est pas grave pour les tout petits, c'est du jamais vu", a-t-elle assuré dans un entretien au site The Conversation, prenant exemple sur la grippe qui touche aussi violemment les jeunes enfants que les personnes âgées.

D'autres experts estiment en effet que les enfants, et en particulier les moins de 10 ans, sont moins susceptibles d'attraper le Covid-19 que les adultes, qu'ils ne seraient tout simplement pas infectés, et que les défenses immunitaires n'y sont pas vraiment pour grand chose. Sur le site Don't Forget The Bubbles, déjà mentionné plus haut, deux spécialistes internationaux en pédiatrie, Alasdair Munro et Damian Roland, jugent "de plus en plus probable qu'il y ait moins d'enfants touchés par le Covid-19" que d'adultes. Ils se basent sur des tests réalisés massivement en Corée du Sud, en Islande ou dans la ville italienne de Vo, où le nombre d'enfants positifs était bien inférieur à celui des adultes.

Un certain nombre d'explications plus hypothétiques encore viennent d'études menées notamment aux Etats-Unis. Un chercheur américain a montré en début d'année que la raison de la protection des plus jeunes contre Covid-19 serait liée à une hémoglobine différente chez l'enfant, l'hémoglobine foetale, dont les vertus protectrices seraient bien connues, et qui disparaît progressivement avec l'âge. La piste du récepteur cellulaire ACE2, ou "enzyme de conversion de l'angiotensine 2", est aussi explorée. Cette enzyme, présente dans nos poumons, nos artères, les reins, l'appareil digestif et même le coeur, serait une des portes d'entrée du virus. Elle constitue d'ailleurs une piste sérieuse d'avancée sur un potentiel traitement. L'ACE2 serait surtout moins présente chez l'enfant, mais les scientifiques restent partagés sur cette hypothèse. D'autres scientifiques, comme l'immunologiste Jean-Laurent Casanova dans Le Monde, jugent pour leur part que les facteurs génétiques seraient prédominants.

Ces pistes laissent penser que le virus pourrait trouver tout simplement porte close chez les enfants, ce que laisse entendre également le Pr Christèle Gras-Le Guen. Celle-ci a témoigné de son étonnement au sujet de "cas des mères positives pour le virus, mais dont les nouveau-nés n'ont pas été infectés, malgré une grande proximité". "Pour l'instant on ne sait pas comment c'est possible [...]. Les informations disponibles semblent indiquer que le SARS-CoV-2 ne "s'accroche" pas beaucoup chez l'enfant", assure celle-ci.

Réponse immunitaire efficace ou absence pure et simple d'infection au SRAS-CoV-2 : ce sont donc ces deux hypothèses qu'il faut pour l'instant départager pour déterminer pourquoi les enfants semblent moins touchés. Et les résultats des dépistages semblent pencher plutôt pour la seconde option. Une vaste étude menée en Islande, et mentionnée dans le New England Journal of Medicine, indiquait mi-avril que les tests positifs chez les enfants étaient au moins deux fois moins nombreux que chez les adultes. Une donnée confirmée et même renforcée depuis, y compris en France. "D'après les données collectées dans le réseau des pédiatres, environ 12 000 enfants ont été testés sur une suspicion de Covid-19, et 6,3 % de ces tests se sont avérés positifs. Ce qui fait un peu plus de 700 cas", indiquait pour sa part Christèle Gras-Le Guen dans The Conversation le 10 mai dernier. Elle constatait néanmoins que la répartition était "très différente selon les régions".

Seule une poignée d'études parcellaires semblent soutenir l'hypothèse inverse. Le site spécialisé MedRxvid a par exemple publié en mars une étude sur le sujet qui n'avait pas encore été validée par un comité de lecture scientifique. Basée sur un échantillon de 1 286 personnes en contact avec des malades de Shenzhen, en Chine, entre janvier et février, elle estimait que les jeunes ne sont pas particulièrement protégés contre l'infection, les taux de contamination étant similaires chez les moins de 19 ans à celui du reste de la population. L'étude a depuis été contestée par plusieurs scientifiques.

Le nombre de tests renforce encore les incertitudes

Sur la question des contaminations, la question du nombre de tests réalisés sur les enfants se pose néanmoins crûment. Il est possible en effet que les enfants n'aient pas encore été massivement reliés au virus tout simplement parce que les tests réalisés sur cette population sont nettement moins fréquents. Le président de la Fédération des médecins de France, Jean-Paul Hamon, prévenait mi-avril dans Le Point : "Nous n'avons pas de certitude". La vision globale de l'épidémie chez les enfants peut en effet être biaisée par le fait qu'ils sont très peu testés contrairement à d'autres classes d'âges. "Les enfants vont bien et ne vont pas à l'hôpital, donc ils ne sont pas testés", a aussi indiqué Sharon Nachman, professeur à l'école de médecine Renaissance de l'hôpital pour enfants Stony Brooks, près de New York cité à la même période par France Info. 

"Nous avons seulement deux données objectives : il y a moins de formes graves, et moins de tests positifs chez les enfants qui arrivent à l'hôpital par rapport aux adultes", résumait plus récemment Isabelle Sermet-Gaudelus, pneumopédiatre à l'hôpital parisien Necker-Enfants malades, dans le Figaro. Mais la question du pourquoi reste entière : "Est-ce que les enfants développent un portage sain qui va les immuniser, ou des formes très peu symptomatiques - type mini-pharyngite - qui vont passer inaperçues ? Ou bien est-ce qu'ils ne sont pas infectés du tout ? Il n'y a, à ce stade, pas de conclusion claire", selon elle.

Malgré des statistiques et des analyses rassurantes, le coronavirus parvient pourtant dans de rares cas à passer entre les mailles du filet. Quelques décès de patients très jeunes depuis le début de l'épidémie ont déjà suscité l'émotion en France et à l'étranger. Le 9 avril, Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, rapportait le décès d'un enfant d'une dizaine d'année en Ile-de-France, atteint par le coronavirus, mais qui présentait des "comorbidités importantes". Quelques jours plus tôt, le 24 mars, une adolescente de 16 ans, originaire de l'Essonne, succombait à l'hôpital Necker, après une brutale aggravation de son état de santé. Elle ne souffrait d'aucune "maladie particulière auparavant", selon sa famille. On dénombre aussi le décès d'une jeune fille de 12 ans en Belgique, d'un enfant de 5 ans au Royaume-Uni et d'un bébé de 9 mois aux Etats-Unis.

Une mystérieuse infection, en recrudescence en Europe, a également commencé à installer le doute chez les médecins et les scientifiques le 27 avril. Entre maladie de Kawasaki et choc toxique, elle va de troubles digestifs à une myocardite et donc à de sérieuses défaillances cardiaques et a déjà tué un enfant de 9 ans à Marseille. On dénombre aussi plusieurs décès dans l'Etat de New-York, aux Etats-Unis. Le lien entre ces nouveaux cas suspects et le coronavirus semble bien établi, plusieurs experts estiment qu'ils pourraient être liés à une réaction excessive du système immunitaire trois à quatre semaines après l'infection par le Covid-19. Si cette nouvelle infection est encore très rare, la multiplication des cas dans plusieurs pays du globe, dont la France, où plus de 150 enfants malades ont été répertoriés depuis le 1er mars, est très surveillée.

Moins graves que ces cas particuliers ou que les chocs toxiques évoqués plus haut, des  bizarreries ont aussi été constatées chez les enfants avec des symptômes spécifiques. Des dermatologues et podologues espagnols ont rapporté au début du mois d'avril que de jeunes patients, présentant parfois des symptômes du Covid-19, avaient également des lésions sur le bout des orteils, ou en ont eu juste avant. Des lésions qui étaient décrites comme "violacées" ou "de couleurs vives",  parfois accompagnées d'"une peau bosselée et une sensation de brûlure" et suivies de "croûtes" et d'une "légère décoloration" persistantes, selon le document posté le 9 avril sur le site du Conseil général des podologues espagnols.

Ce phénomène en recrudescence lui aussi, et concomitant à la pandémie de coronavirus, a été confirmé par la Fédération internationale des pédiatres et par la Northwestern University Feinberg School of Medicine aux Etats-Unis, dont un médecin a assuré que "cela ne semble pas être une coïncidence", même si le lien n'est pas formellement établi. Ces éruptions cutanées ont en tout cas hérité d'un surnom, les "orteils Covid-19". Elles se résorbent généralement après une semaine et seraient sans conséquences.

Le retour massif des enfants à l'école pose aussi la question de la propagation du virus dans le reste de la population. En résumé, les enfants sont ils suffisamment contagieux pour ramener le Covid-19 chez eux, contaminer parents, grands parents, enseignants et, in fine, agir comme un tremplin sur les courbes de contaminations ? Au tout début de la crise, les autorités se sont basées sur les études portant sur des virus respiratoires plus connus pour justifier la fermeture des classes. Concernant la grippe notamment, pour laquelle le recul médical est suffisant, la propagation par le biais des enfants serait accrue. L'école a même été présentée comme une "zone d'amplification" de la maladie dans un rapport du Haut conseil de la santé publique en 2012. Plus loin encore dans le temps, une modélisation publiée en 2008 par une équipe de chercheurs français estimait qu'une fermeture des écoles pourrait réduire de 15% environ le nombre total de cas de grippe en cas de pandémie et de 40% la hauteur du pic.

Plusieurs spécialistes ont depuis nuancé voire contredit ce postulat de départ, à mesure qu'on a progressé dans les connaissances sur le Covid-19. "Contrairement à ce qu'on connaît avec la grippe où les enfants sont les principaux transmetteurs, il semble qu'avec le coronavirus ils excrètent moins de virus", selon le Pr Odile Launay, spécialiste des maladies infectieuses à l'hôpital Cochin à Paris. Pascal Crépey, épidémiologiste à l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), a lui aussi assuré sur France info dès la mi-avril que cet "argument initial" selon lequel "ce coronavirus se comportait un peu comme une grippe" chez les enfants, présentés comme "de forts transmetteurs" était sans doute en train d'être remis en question. "On s'aperçoit maintenant que ce coronavirus ne se comporte pas exactement de la même façon", disait-il.

Un virus en plus petite quantité ?

"Le virus existe chez les enfants mais probablement en plus petite quantité que chez les adultes", a assuré pour sa part sur BFMTV le 19 avril Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, en première ligne pour conseiller le gouvernement dans cette crise sanitaire. "Il n'y a pas eu de grands foyers à partir des écoles, mis à part dans l'Oise, où le virus venait de l'extérieur", a-t-il ajouté. Le risque de transmission par les enfants était alors jugé "possible, mais non certain" par le spécialiste qui reconnaissait encore le 15 avril, lors d'une audition parlementaire, manquer données sur la capacité de transmission du virus entre enfants et des enfants à leur famille.

La logique de la faible capacité de transmission a pourtant été reprise par le ministre de la Santé Olivier Véran sur France 2 le 21 avril. "Les études sont en cours de stabilisation", avait indiqué ce dernier. "On tend à penser que plus les enfants sont petits, notamment ceux de moins de dix ans, plus le risque de transmission serait faible", ajoutait-il, affirmant à l'époque donner cette information "au conditionnel car l'évolution des connaissances scientifiques sur ce virus est constante".

L'étude "Coville" menée en Ile-de-France sur plus de 600 enfants et détaillée plus haut dans notre article penche elle aussi pour une contagiosité très faible chez les plus jeunes : les enfant seraient bel et bien moins contagieux même quand ils sont atteints par le coronavirus. Selon cette étude dirigée par le Pr Cohen, les enfants positif semblent en majorité avoir été infectés par un adulte, 87,3% d'entre-eux ayant eu "un contact confirmé ou suspecté" avec une personne plus âgée de leur famille atteinte par le coronavirus. Celui qui est aussi vice-président de la Société française de pédiatrie et qui dirige le Groupe de pathologies infectieuses pédiatriques (GPIP) souligne par ailleurs dans Le Parisien que seulement 0,6% des enfants affichant un test PCR positif étaient réellement contagieux. 

"Au début de la crise, on a cru - comme pour d'autres virus respiratoires - [que les enfants] jouaient un rôle important dans la propagation de l'épidémie. Ce n'est pas le cas. Les évidences s'accumulent", tranche Robert Cohen. Selon lui, "cette maladie touche essentiellement les adultes, les formes les plus graves et les décès survenant quasi exclusivement chez des sujets âgés ou présentant des comorbidités". En mai, Robert Cohen qualifiait déjà le Covid-19 de "maladie d'adultes" et avançait que le risque de contracter le coronavirus était "extrêmement faible" chez l'enfant, "on peut dire mille fois inférieur à celui chez l'adulte". "Les enfants sont peu porteurs, peu transmetteurs, et quand ils sont contaminés c'est presque toujours des adultes de la famille qui les ont contaminés", martelait Robert Cohen, qui minimise aussi le potentiel de contamination des enfants entre eux. Le pédiatre indiquait enfin que ces résultats "confirment complètement l'ensemble de la littérature" scientifique sur le sujet. Et il osait même : "Si l'épidémie repart ce n'est pas par les écoles mais par les adultes".

L'étude de l'Institut Pasteur, pilotée par Arnaud Fontanet dans l'Oise, indique quant à elle que seuls trois cas probables d'infection par le SARS-CoV-2 ont été répertoriés chez les 510 élèves suivis avant la fermeture des écoles pour les vacances scolaires de février, puis pour le confinement. "Ces cas n'ont pas donné lieu à des cas secondaires, que ce soit parmi les autres écoliers ou parmi les personnels enseignants", précise l'étude qui suggère donc que les parents seraient "la source de l'infection de leurs enfants dans de nombreux cas".

Sur cette question de la contagion, la Société française de pédiatrie cite par ailleurs une dizaine d'études sur son site Internet, basées généralement sur des échantillons très réduits. L'une de ces études, basée sur le cluster de Contamines-Montjoie dans les Alpes, un des premiers de l'épidémie en France, a été publié sur le site du Clinical Infection Diseases le 11 avril. Elle constate qu'un enfant de 9 ans, présentant les symptômes du coronavirus et testé positif, n'a pas transmis la maladie malgré "des interactions étroites au sein des écoles", ce dernier ayant fréquenté "trois écoles et une classe de ski" avant d'être placé en isolement avec les autres contaminés de ce chalet où un Britannique avait propagé le virus. Dans le même groupe, un "adulte asymptomatique" avait quant à lui une "charge virale similaire à celle d'un patient symptomatique". L'étude suggère en conclusion une dynamique de transmission potentiellement différente chez les enfants".

Citons aussi une publication, sortie en mars dans la revue The Pediatric Infectious Disease Journal et basée sur les travaux des universités de Fribourg en Suisse et de Melbourne en Australie, qui s'appuient elles-même sur trois études menées en Chine. Elle tend à démontrer elle aussi que les enfants contractant le coronavirus ont d'abord été en contact avec des adultes contaminés dans leur famille. La conclusion à l'époque : "l'importance des enfants dans la transmission du virus reste incertaine". Une autre étude menée par l'Institut de santé publique des Pays-Bas à partir des statistiques de la maladie dans le pays semble enfin montrer que "les moins de 20 ans jouent un rôle bien moins important dans la propagation du virus que les adultes et personnes âgées".

Des études moins optimistes sur la contagiosité des enfants

Il faut aussi le souligner : d'autres études se sont montrées moins optimistes sur l'impact et le potentiel de contamination du coronavirus chez les enfants. Une étude menée par plusieurs médecins des hôpitaux universitaires de Genève, et pré-publiée sur le site MedRxiv le 27 avril, a montré que bien qu'ils soient sous-représentés dans le nombre de cas, "le SRAS-CoV-2 infectait les enfants de tous les groupes d'âge". Surtout, elle avance que "malgré la forte proportion d'infections légères ou asymptomatiques, il serait naïf de ne pas les considérer comme des transmetteurs". Sur 23 nouveau-nés, enfants et adolescents symptomatiques et positifs au coronavirus, la charge virale s’avérait comparable à celles des adultes.

"Les enfants symptomatiques de tous âges excrètent le virus infectieux au début de la maladie aiguë", précisait même l'étude. "Par conséquent, la transmission du CoV-2 du SRAS chez les enfants est plausible. Compte tenu de la fréquence relativement faible des enfants infectés à l'heure actuelle, des facteurs biologiques ou d'autres facteurs inconnus pourraient réduire la transmission dans cette population", rassuraient néanmoins les chercheurs, préconisant "de vastes enquêtes sérologiques et une surveillance systématique des maladies respiratoires aiguës pour comprendre le rôle des enfants dans cette nouvelle pandémie".

Des conclusions alarmantes venues de Berlin

L'hôpital universitaire de la Charité de Berlin a publié à la toute fin du mois d'avril une vaste étude sur la charge virale du coronavirus chez 3712 de ses patients positifs au Covid-19, en les répartissant en différentes classes d'âge. Les résultats, pré-publiés sur le site de l'établissement, montraient alors qu'il n'y avait "aucune différence significative entre les catégories d'âge, y compris les enfants", ce qui tendait à démontrer que le coronavirus était tout aussi puissant chez les enfants que chez les adultes. "Les données indiquent que les charges virales chez les très jeunes enfants ne diffèrent pas de manière significative de celles des enfants de moins de cinq ans", précisait par ailleurs l'étude, qui mettait en garde noir sur blanc contre une réouverture illimitée des écoles et des jardins d'enfants en Allemagne. "Les enfants peuvent être aussi contagieux que les adultes", assuraient aussi les médecins allemands signataires, qui ont travaillé sous la houlette du Dr Christian Drosten, virologue reconnu en Allemagne, conseiller d'Angela Merkel sur le virus et initiateur de la très large politique de tests menée dans le pays.

Plusieurs scientifiques, dont Alasdair Munro, chercheur en maladies infectieuses pédiatriques à l'hôpital universitaire de Southampton, au Royaume-Uni,  et l'épidémiologiste suisse Leonhard Held, ont contesté la méthodologie et la conclusion de l'étude. En réanalysant ses résultats, ils penchaient même plutôt pour l'interprétation inverse et une charge virale moins élevée que les adultes.

Les moins de 5 ans plus contagieux que prévu ?

Le 30 juillet, c'est une étude menée par des chercheurs américains et publiée dans JAMA Pediatrics qui a remis en cause à son tour le relatif consensus sur la faible dangerosité et la faible contagiosité du Covid-19 chez les enfants. L'étude portait sur 145 jeunes patients atteints d'une forme légère à modérée de l'infection, détectés par test PCR entre le 23 mars et le 27 avril : 46 enfants de moins de 5 ans, 51 enfants âgés de 5 à 17 ans et 48 adultes entre 18 et 65 ans. "Nos analyses suggèrent que les enfants de moins de 5 ans atteints de Covid-19 léger à modéré ont des quantités élevées d'ARN viral du SRAS-CoV-2 dans leur nasopharynx par rapport aux enfants plus âgés et aux adultes", expliquent les auteurs dans leurs conclusions. La présence du SARS-CoV-2 était "10 à 100 fois supérieure" dans les voies respiratoires de ces enfants. Les moins de 5 ans seraient donc plus contagieux selon eux. Des conclusions que le pédiatre Robert Cohen et l'épidémiologiste Arnaud Fontanet ont néanmoins jugées exagérées sur France Inter.

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