
- Quelques jours avant l’anniversaire du premier confinement en France, l’Île-de-France procède à des transferts de patients en réanimation.
- Pendant ce temps, l’Italie se reconfine alors qu’une troisième vague semble se dessiner en Europe centrale.
- Comment l’Europe peut-être dans une situation aussi semblable à la première vague, alors que tant de mois sont passés ?
Ce samedi, les premiers transferts de patients en réanimation d’Ile-de-France vers d’autres régions ont été effectués, tandis que lundi, l’Italie reconfine la majeure partie de ses régions. Mars 2021 prend de plus en plus des airs de mars 2020, ce qui questionne le bilan européen : comment, un an après le début de la première vague, l’Europe peut-elle donner l’impression d’être de retour à la case départ ? Quelles erreurs le Vieux continent a-t-il commises pour avoir ce bilan ?
Et si le problème majeur venait de la stratégie adoptée par les pays européens, celle de « vivre avec le virus » et d’essayer de contrôler sa circulation au lieu de viser son éradication ? L’épidémiologiste Antoine Flahault indique que la situation actuelle faisait partie des risques de cette stratégie : « En Europe, les gouvernements ont accepté de vivre avec le coronavirus, et ont donc accepté des reconfinements-déconfinements répétés. » Un choix d’autant plus dangereux que le médecin et chercheur en épidémiologie Michaël Rochoy pointe un deuxième manquement : l’absence d’objectifs chiffrés. « A part les 5.000 cas par jour fixé au second confinement - et jamais atteints par ailleurs —, la France et l’Europe ont navigué la plupart du temps sans objectif précis, ce qui a entraîné un flou général sur les mesures à mettre en place, quand les lever, etc. » Les pays ont vécu au fil de l’évolution des courbes de l’épidémie, s’adaptant sans cesse à elles au lieu d’essayer de prendre les devants.
« Le seuil d’alerte en France était fixé à une incidence de 50, alors on a créé un seuil de super alerte à 100, puis une super alerte écarlate à 150… Quand on se fixe des chiffres précis, on ne les tient pas ou on les tord. Tout est toujours flou », se désespère un peu le médecin. Même chose en Allemagne actuellement, où l’incidence de 35 pour permettre le déconfinement est de plus en plus remise en question tant elle retarde celui-ci.
Souviens-toi l’été dernier
On pourrait mettre à la décharge de l’Europe la surprise et l’ampleur de la première vague, d’un virus encore bien inconnu. Là où le bas blesse et où se situe le vrai regret intervient plus à l’été 2020, après le déconfinement général du continent avec une très faible circulation du virus. « Je pense que l’erreur fondamentale qu’a faite l’Europe remonte à juin 2020, lorsque ses pays n’ont pas adopté une stratégie visant de vivre sans le coronavirus, comme l’on fait Chinois, Coréens ou Japonais au sortir de leur première vague », note avec amertume Antoine Flahault.
Au-delà de ce choix stratégique, Michaël Rochoy regrette pendant cette période une inaction face à la lente et inéluctable montée des cas de juillet à septembre, sans qu’aucune nouvelle mesure ne soit prise. Il rappelle également le cas des masques post-confinement, rendu obligatoire dans les commerces seulement en juillet, au travail en septembre, et en octobre à l’école : « Ne serait-ce qu’avec tout ça instauré dès le déconfinement en mai, la circulation virale aurait considérablement diminué, et aurait mis bien plus de temps à reprendre. » Un exemple qui illustre bien selon lui « le manque de prévention adopté par l’Europe. Comme si on attendait d’être au pied du mur pour tenter de l’éviter ».
Trop de complexité dans le vent
Un manque de mesure d’un côté aggravé par… trop de mesures inutiles de l’autre côté, expliquant le désespoir et la lassitude d’une partie de la population. Alice Desbiolles, médecin spécialiste en santé publique, regrette des mesures prises un peu à l’aveugle : « On n’en a pas assez fait sur les zones de clusters et les personnes fragiles, et trop fait à côté. Un confinement aveugle et national lors du printemps alors que seuls le Grand Est et Paris étaient touchés, des mesures nationales, une absence de différence entre extérieur et intérieur… Vouloir faire les mêmes mesures sur tout le territoire et pour toutes les populations, c’est s’assurer de frapper dans le vide ». Une étude l’Institut Pasteur du 9 mars indique par exemple que seulement 5 % des contaminations se font à l’extérieur.
Une analyse que rejoint Michaël Rochoy, faisant un parallèle avec les revendications du monde la culture en ce moment : « On devrait se focaliser sur les moments sans masques et permettre tout le reste. Les musées, l’absence de couvre-feu, les cinémas… en s’assurant absolument que les endroits sont bien ventilés, qu’il y a des masques et une bonne distanciation. Voir ses proches après 18 heures, mais sans enlever le masque. La population européenne adhérerait beaucoup plus à ce discours. »
Et maintenant ?
Tout n’est pas à jeter dans les actions européennes. Le R (taux de reproduction du virus) n’a jamais plus connu les hauteurs atteintes lors de la première vague (il était estimé supérieur à 3 en mars dernier en France, et est toujours resté inférieur à 2 depuis), les lieux les plus contaminants sont mieux surveillés, les réanimations entraînent moins de décès en moyenne. L’Europe continue de subir, mais l’Europe a appris. Et aussi critiquable soit la stratégie de « vivre avec le virus », le système hospitalier n’a jamais cédé - tant bien que mal, certes.
Mais dernière étape de ce chemin de croix, l’Union européenne semble désormais payer la lenteur de sa vaccination, due à des commandes frileuses il y a des mois, afin d’obtenir les prix les plus bas. Un choix que regrette Antoine Flahault : « Le Vieux continent semble avoir eu peur de son ombre dans de nombreux aspects de la gestion de cette pandémie. En ne prenant pas au printemps dernier les risques financiers et industriels qu’ont osé les États-Unis, la Russie, la Chine sans pour autant afficher une ambition dans la lutte contre la pandémie à la hauteur de son niveau de développement. »
Un peu le drame de l’Europe tout au cours de cette année. Avoir été trop prudente et trop laxiste quand il fallait agir, mais aussi s’être surestimé. Alice Desbiolles à la conclusion : « Ce que le coronavirus a montré à l’Europe, c’est la fragilité de sa population, entre comorbidité, obésité, vieillissement, et un hôpital fragilisé par des années de privation et de coupe budgétaire. C’est un problème de santé globale, et non uniquement lié au coronavirus. » Un problème auquel le Vieux continent devra s’atteler, s’il ne veut pas vivre un mars 2022 aux airs de déjà-vu.
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