Mylène Ogliastro, virologue à l'Inrae, et Marisa Peyre infectiologue au Cirad de Montpellier, décryptent le phénomène.
"Pas d'affolement", insiste Mylène Ogliastro, virologue à l'Inrae de Montpellier. "Pas d'alerte", renchérit Vincent Foulongne, responsable du laboratoire de virologie de l'hôpital Saint-Eloi de Montpellier, "prêt à se mettre en ordre si nécessaire". Alors que le cap symbolique de 100 cas de "Monkeypox" a été atteint lundi, et que la Belgique impose désormais un confinement de trois semaines aux personnes infectées. Mais les scientifiques montpelliérains rassurent : "Honnêtement, je ne suis pas très inquiet. La forme d'Afrique de l'Ouest qui circule a une létalité de 1 % à 5 %", indique Jacques Reynes, le patron de l'infectiologie au CHU de Montpellier, en première ligne dans la pandémie de Covid. Dans son point d'étape publié ce lundi, le centre européen de contrôle des maladies (ECDC) considère que le risque de contagion est "très faible".
Fièvres, maux de tête, douleurs musculaires, puis éruptions cutanées et croûtes... le tableau clinique de la pathologie n'inquiète pas, même s'il y a bien un risque pour les enfants et les personnes immunodéprimées.
Mylène Ogliastro : "Aujourd'hui, 2000 virus et bactéries passent de l'animal à l'homme"
"ça n'inquiète pas encore, ça étonne", glisse Mylène Ogliastro, qui rappelle le phénomène désormais bien connu des zoonoses, ces maladies d'origine animales qui représentent 75 % des maladies émergentes chez l'humain selon le Cirad, organisme de recherche basé à Montpellier. "C'est ce qui se passe en permanence : aujourd'hui, 2000 virus et bactéries passent de l'animal à l'homme", dit Mylène Ogliastro.
Il s'est bien passé quelque chose de différent avec "Monkeypox", cette variole découverte pour la première fois chez un singe de laboratoire, et identifiée chez l'homme en 1970, en République démocratique du Congo, endémique depuis en Afrique de l'Ouest. En 2003, il y avait eu une petite alerte aux Etats-Unis : 70 cas. Et des épisodes sporadiques ont été régulièrement repérés aux Royaume-Uni.
"Ce virus, on le connaît bien, on peut le surveiller de manière fine, et c'est ce qui est notamment fait aux Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme, avec une inquiétude particulière sur les virus de la variole", dit Mylène Ogliastro. Que se passe-t-il aujourd'hui ? "On peut penser qu'il est différent, puisqu'il y a plus de cas que jusqu'ici en moyenne. Il suffit d'un petit changement dans les séquences", constate la scientifique.
Le séquençage du virus au Portugal, en première ligne avec 37 cas recensés, montre que "c'est un parent proche du virus décrit en 2018-2019 au Nigéria". Selon elle, "il circule probablement de manière très discrète depuis".
Faut-il pour autant déclencher un branle-bas de combat ? "La communauté scientifique hésite et a peur de se faire prendre", souligne la Montpelliéraine. Qui n'a pas en tête les messages très rassurants des premiers temps de la future pandémie de Covid ? "On est sur une ligne de crête. On assiste à quelque chose qu'il faut surveiller". Et, surtout, nous alerte une nouvelle fois sur le risque de nouvelles crises à venir si on ne change pas nos comportements.
Marisa Peyre, épidémiologiste au Cirad de Montpellier : "Il faut renforcer la surveillance"
Marisa Peyre, épidémiologiqte au Cirad de Montpellier, est une des coordinatrices du programme international Prezode, un programme de coopération internationale pour prévenir la transmission à l'homme de virus d'origine animale. Pour elle, la menace de la variole du singe est une nouvelle alerte, alors que l'institut Pasteur assure, depuis 2019, une surveillance en République démocratique du Congo sur ce virus : "Nos collègues rappellent aujourd'hui combien leurs travaux suscitent peu d'intérêt, depuis trois ans, avec peu de moyens, la maladie a été négigée", déplore-t-elle, sachant qu'un "signal" s'était déjà allumé. "Le virus circule depuis longtemps en Afrique centrale et Afrique de l'Ouest, de manière sporadique. Mais depuis 2017, une phénomène nouveau était apparu, l'épidémie se maintenait au Nigéria", rappelle la Montpelliéraine. Elle n'a de cesse de répéter le même message : "Il faut renforcer la surveillance des virus émergents à la source, et donner aux pays concernés les moyens de lutter. C'est faisable, on connaît les solutions, mais c'est confidentiel". Mais elle constate avec soulagement qu'"on est plus sensible à ces questions depuis la crise du Covid".
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