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Trémuson - Bipolarité : treize ans de vie en moins, « une maladie qui nous tue » - Le Télégramme

« Je vais vous raconter ma vie alors, non, me demander mon âge n’est pas indiscret », sourit Anne. Anne a 46 ans, habite Trémuson (22). Elle est mère d’une ado de 17 ans. Et Anne est atteinte de troubles bipolaires.

Acheteuse à l’internationale, « à l’apogée de sa carrière », voilà cinq ans qu’elle ne travaille plus. Alcoolique pendant quinze ans, elle est abstinente depuis 2012. Sur sept années, elle en a passé plus de deux à l’hôpital, « cassée à coups d’anxiolytiques et de somnifères pour me faire dormir et que la crise passe ». Au quotidien, Anne doit marcher, beaucoup, ne peut plus boire de café, doit éviter le sucre. Les centres commerciaux, aussi, et tous les stimuli qui pourraient la pousser à dépenser de l’argent. Elle doit prendre un traitement à heures fixes. Idem pour le lever, le coucher et les repas.

Ses premières crises remontent à l’adolescence. À l’époque, on lui dit qu’elle est dépressive, elle en prend son parti. Ruminations anxieuses, sommeil perturbé, irritabilité font son quotidien. Un jour, alors qu’elle est sous antidépresseurs, arrive l’exaltation. À un extrême succède l’autre. Une phase hypomaniaque qui durera plus de vingt ans. Les symptômes, moins connus, sont légion. « Ils varient en fonction des personnes et des crises », précise Anne. Parmi eux : logorrhée ; besoin de bouger, sans arrêt ; sommeil réduit à peau de chagrin ; troubles de la concentration ; hypersexualité ; dépenses inconsidérées. « Soit des petites très très souvent, soit des grosses qui vous mettent dans la panade ». Plus sévère est l’épisode maniaque, qui peut engendrer hallucinations et idées délirantes.

On nous dit dangereux alors que 80 % d’entre nous sont victimes de violences. C’est une maladie qui nous tue, nous.

Hallucinations, délires paranoïaques, raptus suicidaire

À l’époque, la Costarmoricaine n’a aucune idée de ce qui lui arrive. La trentaine passée, elle entame des études d’infirmière. Quelque temps plus tard, elle est hospitalisée par deux fois en état dépressif majeur. « J’ai repris mes cours. Ce que je vivais, je le connaissais, je l’avais lu quelque part. J’ai retrouvé le module consacré aux troubles bipolaires. C’était moi, à 100 % ».

Vient ensuite la recherche du bon médicament. En cinq ans, Anne se voit prescrire une dizaine de traitements. Passe par des effets secondaires « hyper néfastes », entre hallucinations, délires paranoïaques, raptus suicidaire. « J’ai voulu passer par la fenêtre, d’un coup. Et je l’ai fait. Heureusement que j’étais à l’hôpital, il y avait des barreaux. » Depuis plus de deux ans, la quadra est stabilisée. Les phases sont moins fortes, moins longues.

3 % de la population concernée

Reste le regard des gens. Elle s’en ouvre à son entourage, une connaissance lui crache à la figure. « J’ai perdu quasiment tout le monde », regrette la Trémusonnaise. ?« On nous dit dangereux alors que 80 % d’entre nous sont victimes de violences. C’est une maladie qui nous tue, nous. » Anne a réchappé à huit tentatives de suicide. « Être atteint de troubles bipolaires, ce n’est pas être lunatique. C’est avoir treize ans d’espérance de vie en moins. » La bipolarité, c’est aussi l’isolement, « des familles déchirées ».

Être atteint de troubles bipolaires, ce n’est pas être lunatique. C’est avoir treize ans d’espérance de vie en moins.

En octobre dernier, elle lance son association : Bipol’Air 22. Alors qu’elle fait le tour des banques pour ouvrir un compte, on lui conseille de changer les statuts pour mettre à la présidence « quelqu’un de sain d’esprit ». Sa carte de visite ? Un restaurateur l’invite à la déposer dans les toilettes, gêné de voir pareille pub sur son comptoir. Et pourtant, cinq mois plus tard, l’asso compte déjà vingt adhérents, une quinzaine en attente, et rayonne sur tout le département. « On estime que 3 % de la population est atteinte par le trouble, diagnostiquée ou non. »

Pratique

Bipol’Air 22, contact par tél. 07 81 39 97 04 ou mél. bipol.air.22@gmail.com

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