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Steaks crus et blocs de beurre : le régime carnivore fait fureur sur TikTok… et chez les masculinistes - Le HuffPost

Fresh and large steaks. It's a btcher's. There are lots of meat. The meat is realy red. They are really good.
Olaia Salvador / Getty Images Fresh and large steaks. It's a btcher's. There are lots of meat. The meat is realy red. They are really good.

Olaia Salvador / Getty Images

Sur les réseaux sociaux, de nombreuses vidéos mettent en avant le régime carnivore.

ALIMENTATION - « Je commence la journée avec une tête de lotte. Il n’y a rien de meilleur qu’une petite tête dès le matin. » Du café et des tartines de confiture ? Trop peu pour le petit-déjeuner de l’influenceur Jack Turco, propriétaire du compte TikTok « Butter Dawg », suivi par plus de 300 000 personnes. Cet adepte du « régime carnivore » enchaîne ensuite sa journée avec, entre autres, un pot de mayonnaise à la petite cuillère, un steak et une langue de bœuf.

Sur les réseaux sociaux, de nombreuses vidéos similaires – même si souvent un peu moins extrêmes – mettent en avant ce régime alimentaire qui consiste à se nourrir uniquement de protéines animales, comme de la viande, du poisson, des œufs et parfois des plaquettes de beurre entières, bannissant ainsi céréales et produits végétaux.

Selon ses adeptes, il aurait de nombreux bénéfices supposés : perte de poids, meilleure qualité de sommeil et une amélioration globale de la santé mentale et physique. Les vidéos liées aux mots-clefs « carnivore diet » cumulent plus d’un milliard de vues sur TikTok.

Pourtant, d’après la diététicienne nutritionniste Sophie Janvier, autrice de La Méthode douce pour mieux manger (éd. Leduc) que nous avons contactée, il n’existe à sa connaissance « aucune étude scientifique sur le long terme » qui confirme ces affirmations. « On sait juste que ce régime alimentaire va totalement à l’encontre de toutes les recommandations de santé. »

Un régime lié au discours masculiniste

Selon Nora Bouazzouni, journaliste indépendante et autrice de Steaksisme - En finir avec le mythe de la végé et du viandard (éd. Nouriturfu), le régime carnivore est le cousin du régime « paléo », lui-même inspiré de celui de nos ancêtres préhistoriques, basé sur la consommation de protéines animales et de végétaux. « Il y a une idéologie derrière ce régime, celle du rejet de la modernité et de la civilisation contemporaine, et il y a l’idée de “c’était mieux avant” », analyse-t-elle auprès du HuffPost.

Le régime carnivore s’accompagne donc d’un discours anti-modernité, mais aussi anti-végétarisme et antiféminisme de la part de certains de ses adeptes. Il est notamment plébiscité par le psychologue canadien Jordan Peterson, l’une des idoles des masculinistes aux États-Unis, qui prétend avoir perdu 25 kg grâce à ce régime. Andrew Tate, influenceur misogyne, lui aussi affilié à ce mouvement conservateur et réactionnaire et adepte du « carnivore diet », avance avoir « converti » une petite amie végane à la viande.

Dans les discours de certaines personnes qui se nourrissent de cette manière, les régimes comme le végétarisme, le véganisme, ou la simple baisse de la consommation de viande sont considérés comme une « ingérence », selon Nora Bouazzouni. Jordan Peterson ironise par exemple dans cette vidéo sur les fois où « les agences gouvernementales ont exercé leur tendre miséricorde pour déterminer ce que le peuple qu’elles servent devrait manger ». Un discours qui s’inscrit dans l’idée populaire chez les masculinistes selon laquelle « on ne peut plus rien dire et plus rien faire », commente Nora Bouazzouni.

Des amalgames scientifiques

Autre adepte du régime carnivore : Brian Johnson, connu sous le nom de « Liver King » sur les réseaux sociaux et qui consomme énormément de foies d’animaux crus. Sur sa page Instagram, il écrit vouloir « remettre en place ce que le monde moderne a laissé de côté » et ainsi revenir à un mode de vie ancestral, celui de la préhistoire.

Beaucoup de partisans de ces régimes adhèrent en effet à une idée fantasmée de l’homme « agressif et guerrier », selon Nora Bouazzouni, qui rappelle par ailleurs que la viande n’était pas si présente que ce que l’on croit dans les régimes alimentaires de nos ancêtres.

Pour promouvoir leurs idées, les partisans masculinistes du régime carnivore s’appuient sur certaines théories pseudoscientifiques. « Ils font du ’cherry picking’ : ils mettent en avant les chiffres positifs tirés des études sur le sujet » en éludant le reste, selon l’autrice.

Parmi les arguments liés à la santé physique qui sont avancés par les partisans du carnivorisme, il y a cette théorie, détaillée par la nutritionniste Sophie Janvier : « L’idée est de ne pas manger de glucides [présents dans les céréales, les fruits, certains légumes ainsi que dans les légumineuses, ndlr], qui fournissent du glucose, principal carburant du corps. Notre organisme devra donc fabriquer un carburant alternatif, à partir des graisses : les corps cétoniques. » Le but est de perdre du poids, puisqu’on déstocke ainsi du gras : « C’est effectivement ce qu’il se passe en général. Mais au détriment de notre santé globale. »

Et une santé mise en danger

Car le régime carnivore peut avoir de graves conséquences sur la santé, les viandes rouges et transformées étant notamment trop riches en graisses saturées. « Sur le court terme, pendant un mois, le principal risque de ce régime est d’avoir des difficultés au niveau du transit, faute de manger suffisamment de fibres. Certaines personnes qui le font expliquent ne pas aller à la selle pendant deux semaines », explique la nutritionniste.

« Quant à la perte de poids, elle ne sera pas forcément au rendez-vous si le régime est riche en viandes grasses et en beurre », ajoute-t-elle.

Mais c’est surtout sur le long terme que ce régime peut être dangereux. Il favorise notamment l’apparition de problèmes cardiovasculaires. Le corps manquera aussi de nutriments essentiels, « comme les fibres, qui sont présents dans les produits végétaux », rappelle Sophie Janvier. Ils sont importants pour nourrir notre microbiote intestinal, qui joue un rôle central dans la digestion, selon l’INSERM.

« Toutes les autorités de santé conseillent de limiter la viande rouge et les viandes transformées à 500 grammes par semaine. L’OMS explique que l’excès de ces viandes est associé à davantage de problèmes de santé », détaille Sophie Janvier, qui rappelle également « l’hérésie » d’un tel régime au niveau environnemental.

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