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Comment expliquer et éviter les suicides chez les jeunes mères ? - 20 Minutes

Pendant longtemps, quand on parlait de jeune maman, on avait en tête l’image d’une femme lovée dans le bonheur. L’image s’est bien étiolée depuis la médiatisation du post-partum et notamment de la dépression périnatale. Elle s’étiole encore plus avec la publication mercredi d’un rapport de l’Inserm rédigé avec Santé publique France montrant que le suicide est devenu la première cause de mortalité chez les femmes ayant accouché il y a moins d’un an.

Cette enquête nationale a mesuré les causes des 272 morts maternelles survenues du début des grossesses à un an après l’accouchement, entre 2016 et 2018. Parmi elles, 45 femmes ont mis fin à leurs jours dans l’année suivant leur accouchement. Quels sont les facteurs de risque et surtout comment éviter ces suicides ? On a posé la question à des psychiatres et à la coordinatrice de l’étude.

Dépression post-partum

Parmi les 45 femmes ayant mis fin à leurs jours, la moitié souffrait de dépression post-partum. Une pathologie qui doit être différenciée du baby blues, simple tristesse et irritabilité transitoire, intervenant souvent entre le deuxième et le cinquième jour après l’accouchement. « Si les symptômes du baby blues durent plus de quinze jours ou s’intensifient, il faut se demander s’il ne s’agit pas d’une dépression post-partum », souligne Lucie Joly, psychiatre spécialisée en périnatalité à l’hôpital Saint-Antoine APHP Paris.

La dépression périnatale se caractérise par une tristesse, une perte d’envie, des doutes sur ses compétences maternelles, une difficulté à entrer en interaction avec son bébé, une phobie d’impulsion – la peur de faire du mal à son enfant –, des troubles alimentaires et du sommeil.

Elle toucherait 17 % des femmes d’après une enquête de Santé publique France publiée en 2023 et il existe des facteurs de risque. « La primiparité (première grossesse), le jeune âge, les grossesses non désirées, les antécédents psychiatriques, des antécédents de dépression post-partum, des abus et maltraitances subies par la mère dans son enfance et les situations de précarité économique sont autant de facteurs de risque », liste la psychiatre.

Des maladies psychiatriques préexistantes

« On ne peut pas corréler le suicide et la dépression post-partum », insiste Romain Dugravier, psychiatre au Centre de psychopathologie périnatale du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences. Et pour cause, selon l’étude, seule la moitié des femmes s’étant suicidées avaient développé cette pathologie. Les autres avaient des maladies psychiatriques préexistantes à la grossesse.

Parmi ces 53 % de femmes qui avaient des antécédents psychiatriques, 33 % souffraient de dépression, 13 % d’antécédents de passages à l’acte suicidaire associés à un trouble dépressif ou un trouble de la personnalité, 9 % d’un trouble bipolaire, 7 % d’antécédents de scarifications à l’adolescence isolés ou associés à des passages à l’acte suicidaire et 7 % de troubles du comportement alimentaire.

« C’est compliqué à partir des suicides de faire des généralisations, tient d’emblée à préciser Catherine Deneux Tharaux, directrice de recherche à l’Inserm et coordinatrice de l’étude. Mais on retrouve des facteurs de vulnérabilité aux troubles psychiques et à la dépression du post-partum. » Parmi les femmes ayant mis fin à leurs jours, 29 % présentaient une vulnérabilité sociale et 16 % vivaient seules. Les femmes dont c’était le premier enfant sont également plus concernées.

Une stigmatisation encore trop forte

« Si ces suicides arrivent, c’est probablement parce qu’il y a des erreurs dans le dépistage et dans l’accompagnement, estime Romain Dugravier. Il y avait des indicateurs préalables de vulnérabilité qui n’ont pas pu être pris en compte directement. » Chez 46 % des femmes atteintes de troubles psychiques s’étant ôtées la vie, leurs antécédents n’étaient pas connus de l’équipe obstétricale.

La stigmatisation autour des maladies mentales n’y est pas pour rien. « Des femmes peuvent être réticentes à se livrer sur leurs antécédents psychiatriques alors qu’elles en parleraient facilement s’il s’agissait d’un diabète ou d’une hypertension », considère la directrice de recherches. Même son de cloche du côté de la dépression post-partum. « Le fait de ne ressentir aucune joie avec son bébé alors qu’on s’attend à être au comble du bonheur, c’est très culpabilisant pour les femmes qui vont avoir du mal à s’en ouvrir à leurs proches ou à des professionnels », poursuit Catherine Deneux-Tharaux.

Un manque de structures de soins

Des femmes qui ne parlent pas, mais aussi des professionnels de santé qui ne posent pas de question. « Les professionnels, que ce soit les sages-femmes, les obstétriciens, les pédiatres, n’osaient pas aborder ces questions car ils ne savaient pas quoi en faire, soit parce qu’ils ne sont pas à l’aise avec ces questions, soit parce qu’ils n’ont personne vers qui les adresser », analyse de son côté le psychiatre. Une question de formation, donc, mais aussi de structure des soins.

« Il n’y a pas de norme sur le nombre de psychologues ou de psychiatres qui devraient être présents dans les maternités donc cela dépend des cultures locales. Dans certaines maternités, il n’y a pas de psychologue. » Romain Dugravier espère que les nouvelles données épidémiologiques de l’étude de l’Inserm fassent naître une prise de conscience et permettent d’imposer une offre de soins minimale.

Un manque de formation des soignants

« On doit sensibiliser tous les professionnels de première ligne du champ périnatal, pédiatres, sages-femmes, puéricultrices, obstétriciens », considère le psychiatre. Lucie Joly donne des cours de psychopathologie périnatale aux sages-femmes et aux infirmiers. Elle les incite notamment à utiliser l’échelle EPDS. « Il y a plusieurs items et en fonction du score, on va être plus ou moins vigilant à savoir s’il y a ou non une dépression post-partum », explique la psychiatre.

Mais ces professionnels ne doivent pas être les seuls à être formés. « Le pic du suicide est à quatre, cinq mois après l’accouchement, c’est un moment où les femmes sont loin de l’équipe obstétricale », souligne la directrice de recherches. Les personnes pouvant tirer la sonnette d’alarme sont donc davantage les proches, les collègues, le personnel des crèches ou le pédiatre.

Des solutions et une lente évolution

Les choses évoluent petit à petit. « Même si j’ai un biais de par ma spécialisation, je reçois beaucoup de jeunes mères en consultation qui me parlent de leurs idées très sombres, voire suicidaires, témoigne le psychiatre Romain Dugravier. Avant, c’était quelque chose que j’entendais très peu. »

Car des solutions existent. « Quand on repère une femme ayant des facteurs de risque, dans les maternités, on fait un suivi conjoint avec l’obstétricien, explique la psychiatre Lucie Joly. On propose un accompagnement par un psychologue ou un psychiatre mais aussi des ateliers sur la parentalité pour anticiper ce qui pourrait se passer. »

Notre dossier Santé mentale

La dépression post-partum se soigne la plupart du temps avec une psychothérapie associée à un traitement antidépresseur. Dans ce domaine, la recherche avance. Un nouveau médicament, le Zurzuvae, vient d’être mis sur le marché aux Etats-Unis. Il permettrait de soigner en deux semaines la dépression périnatale.

Si vous ressentez des idées suicidaires ou êtes proche d’une personne qui en a, vous pouvez appeler le numéro national Souffrance et Prévention du Suicide au 31 14 (écoute gratuite et confidentielle 24h/24 et 7 J/7).

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