Plus de 4 000 cas contacts ont été vaccinés dans l'archipel. Près de 100 cas de choléra ont été recensés depuis la mi-mars.
Publié
Temps de lecture : 4 minEaux insalubres, habitats précaires… Les autorités sanitaires françaises scrutent avec attention l'évolution de l'épidémie de choléra qui frappe la commune de Koungou (Mayotte) et qui a provoqué la mort d'une fillette de 3 ans. Selon un communiqué de l'Agence régionale de santé (ARS) publié mardi 21 mai, 94 personnes ont été touchées depuis le début de l'épidémie, mi-mars.
La grande majorité des cas recensés vivent dans le quartier précaire de Kirson, confronté à des difficultés d'accès à l'eau potable et des défauts d'assainissement, principaux risques de diffusion de cette maladie très contagieuse, qui peut rapidement être mortelle dans ses formes les plus sévères.
Pour endiguer l'épidémie, les autorités sanitaires ont fait appel à 86 volontaires de la Réserve sanitaire, mobilisés en "renforts" depuis la mi-avril, dont 54 spécifiquement affectés à la lutte contre le choléra, selon Santé publique France.
Elles ont aussi mis en place un protocole sanitaire qui prévoit la désinfection du foyer du malade, l'identification et le traitement des cas contacts et une vaccination "en anneaux", élargie en fonction de la propagation épidémique. Pour l'heure, la vaccination est circonscrite aux communes de Koungou (où, au 13 mai, 4 456 cas contacts avaient été vaccinés) et de M'Tsangamouji, à l'autre bout de l'île, où un foyer a été identifié.
Cette stratégie vaccinale est jugée insuffisante par la députée Liot de Mayotte, Estelle Youssouffa. "Il n'y a pas assez de vaccins pour protéger la population, le gouvernement refuse de distribuer des bouteilles d'eau pour limiter la propagation de la maladie", écrit l'élue sur X. "Dans ces conditions, il est impératif de fermer immédiatement les frontières pour protéger nos citoyens."
Les Forces vives de Mayotte, collectif contre l'immigration clandestine et l'insécurité connu pour avoir mis en place les barrages qui ont entravé le département au début de l'année, redoutent "une flambée épidémique" aux "dramatiques conséquences", et réclament dans un communiqué (document PDF) "la mise en place d'un rideau de fer (…) afin que [les] frontières soient mieux surveillées".
"Aujourd'hui, le meilleur moyen de combattre le choléra est la vaccination ciblée", avait défendu sur Mayotte La 1ère le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, lors d'un déplacement dans l'archipel le 9 mai. "Dès qu'il y a un cas de choléra avéré, on va vacciner les entourages, les gens qui ont été vus par la personne dans les derniers jours et la famille proche de manière à circonscrire au maximum l'épidémie", avait-il expliqué, s'appuyant sur un avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) publié mi-avril.
"La vaccination de masse n'aurait aucun sens. Cela ne pourrait pas limiter les dégâts. Ce qui le permettrait, c'est le respect des règles d'hygiène."
Frédéric Valletoux, ministre délégué à la Santéà Mayotte La 1ère
La "meilleure manière" de venir à bout de cette maladie "est d'adopter des règles d'hygiène strictes, se laver les mains au savon, utiliser de l'eau potable, ne pas aller vers des eaux usées ou de rivière qui ont de fortes chances de véhiculer" la maladie, avait encore insisté le ministre.
"Cette stratégie est très cohérente", abonde l'épidémiologiste Renaud Piarroux auprès de franceinfo. "Ce n'est pas une décision politique, mais technique, qui a reçu l'aval d'un comité d'experts" dont ce spécialiste du choléra fait partie, ajoute-t-il. Selon le praticien, il n'est "pas nécessaire de faire vacciner l'ensemble de la population. Ce vaccin est utilisé pour traiter les populations locales et éviter que l'épidémie se propage dans ces quartiers".
Par ailleurs, le vaccin utilisé, le Vaxchora, est "plus efficace que les autres" vaccins, mais "est produit en quantités limitées" et "son efficacité diminue avec le temps", passant de 90,3% d'efficacité dix jours après la prise à 79,5% à trois mois, selon le HCSP. "Ce qui prouve qu'une vaccination dans des zones non contaminées ne servirait pas à grand-chose", note Renaud Piarroux. "C'est un vaccin qui est essentiellement proposé aux Etats-Unis aux voyageurs qui vont dans des zones contaminées."
A l'instar du HCSP, il estime que pour venir à bout de l'épidémie, le plus important sera de rendre l'accès à l'eau potable possible dans les quartiers les plus précaires, notamment en installant des robinets à leurs abords.
Le médecin n'est pas le seul à dresser ce constat. "Penser une réponse de lutte contre le choléra sans prendre en compte les conditions d'accès à l'eau, c'est peu efficace", explique sur franceinfo la coordinatrice de Médecins du monde à Mayotte, Marion Ramstein. En effet, en 2013, 28% des ménages mahorais, soit 14 900 ménages, ne disposaient toujours pas d'eau courante dans leur logement, selon l'Insee. "Ici, l'eau de la rivière sert aussi bien pour la toilette et la lessive que pour cuisiner. Et beaucoup la boivent", regrette Julie Durand, chargée de santé de proximité à l'ARS.
Bagikan Berita Ini
0 Response to "Choléra à Mayotte : comment s'organise la vaccination pour tenter d'endiguer l'épidémie ? - franceinfo"
Post a Comment