
Contentions injustifiées, attente jusqu'à sept jours sur des brancards : la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (voir encadré ci-dessous) Adeline Hazan s'alarme dans un rapport des conditions "indignes" d'accueil des patients relevant de la psychiatrie au CHU de Saint-Étienne. Ce rapport fait suite à une visite de contrôle du pôle psychiatrie de cet établissement du 8 au 15 janvier 2018. Ces pratiques "illégales et abusives doivent cesser immédiatement", s'insurge Adeline Hazan.
Des conditions "indignes", un traitement "un traitement inhumain"
Dans ses "recommandations en urgence" adressées à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, rendues publiques le 1er mars, Mme Hazan alerte sur le "traitement inhumain ou dégradant", au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, subi par certains de ces patients. "Les constats les plus graves (…) intéressent les prises en charge aux urgences, les pratiques d'isolement et de contention, et l'exercice des droits des patients", écrit Adeline Hazan. Les contrôleurs ont notamment constaté la présence aux urgences générales de vingt patients relevant de la psychiatrie en attente de place. Treize étaient parqués sur des brancards dans les couloirs. Sept d'entre eux, sans signe d'agitation, ni de véhémence, étant attachés au niveau des pieds et d'une ou deux mains "dans une forme de résignation et d'acceptation", explique le rapport. Ces sept personnes patientaient aux urgences depuis quinze heures à... sept jours. Sans pouvoir se laver, se changer, avoir accès à leur téléphone, ni bénéficier d'aucune confidentialité lors des entretiens et traitements. "Toute personne admise en soins sans consentement est par ailleurs systématiquement placée sous contention", commente le rapport, des pratiques contraires à la loi de 2016 de modernisation du système de santé indiquant que "l'isolement et la contention sont des pratiques de derniers recours". La contention doit rester fondée "sur des motifs de dangerosité clinique", continue le rapport, "elle ne peut en aucun cas constituer des contentions de confort destinées à pallier une absence de surveillance, être punitive ou liée à une mauvaise organisation des services". Le rapport pointe également des mesures d'isolement abusives, allant parfois jusqu'à plusieurs jours d'affilée, contre les 12 heures autorisées par la loi pour un patient en soins libres.
CONTRÔLEUR GENERAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTE. La fonction de Contrôleur général des lieux de privation de liberté a été instituée en France en 2007. Indépendant, nommé pour une durée de 6 ans non renouvelable pendant laquelle il ne peut pas être révoqué ni poursuivi pour ses conclusions, le contrôleur a pour mission de s'assurer à ce que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Le contrôleur et ses équipes peuvent ainsi visiter à tout moment, sur l’ensemble du territoire français, tout lieu où des personnes sont privées de liberté (prisons, établissements de santé, lieux de rétention...). L'actuelle tenante du titre est Adeline Hazan, magistrate et ancienne maire de Reims, nommée en 2014.
UN DYSFONCTIONNEMENT STRUCTUREL. Le rapport relève un "dysfonctionnement structurel qui confronte les soignants à des difficultés professionnelles majeures", relevant notamment "la fermeture de lits non suffisamment anticipée", ou encore "des vacances de postes de psychiatres". Cela fait plus de cinq ans que les patients arrivant aux urgences générales "peinent à être hospitalisés en psychiatrie ou aux 'urgences psychiatriques'", souligne le rapport du CGLPL. Et la situation s'est aggravée depuis octobre 2017. Ce "dysfonctionnement majeur" aux urgences générales "nécessite de mettre immédiatement un terme aux traitements indignes observés", insiste le rapport.
Des professionnels dévoués
Ces constats ont suscité "une prise en compte forte" de la communauté médicale et soignante et un courrier du directeur de l'hôpital au CGLPL, le 23 janvier, "témoigne d'une réelle volonté de changement", relève le rapport. "Le nombre de patients pris en charge a ainsi augmenté de 30% entre 2012 et 2016, conséquence en partie du faible nombre de psychiatres libéraux sur le territoire", se défend le CHU de Saint-Etienne dans un communiqué publié le 1er mars 2018, assurant cependant intégrer les recommandations du rapport dans "ses actions prioritaires d'amélioration" et avoir d'ores et déjà mis en place un "renforcement" de la formation du personnel et des conditions de prise en charge, par exemple des lits supplémentaires. Le CHU de Saint-Etienne tient également à "souligner le professionnalisme de ses équipes et la qualité des soins prodigués aux patients". "Les contrôleurs ont constaté une prise en charge psychiatrique et somatique par les médecins et infirmiers des différentes unités, empreinte de professionnalisme", précise en effet le rapport d' Adeline Hazan, notant ainsi "la présence médicale est assurée avec beaucoup de dévouement", les consultations "régulières", et le bon suivi des patients "en pluridisciplinarité", "en bonne transparence et avec des rapports de confiance".
Néanmoins, la gravité et le caractère structurel de ces manquements "ne permettent pas de laisser l'établissement seul face à ses difficultés". Adeline Hazan recommande donc "de faire cesser immédiatement ces atteintes aux droits", notamment au sein de l'accueil aux urgences, d'instaurer une "réflexion institutionnelle" sur les pratiques de contention et d'isolement ou encore de mettre en oeuvre des moyens garantissant des hospitalisations adaptées.
Avec AFP
https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/psychiatrie-des-conditions-de-prise-en-charge-indignes-au-chu-de-saint-etienne_121689Bagikan Berita Ini
0 Response to "Psychiatrie : des conditions de prise en charge "indignes" au CHU de Saint-Etienne"
Post a Comment