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Pourquoi les médicaments contre le rhume, déconseillés par les autorités de santé, sont-ils toujours vendus en pharmacie ? - franceinfo

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a alerté contre les risques liés à la prise de comprimés antirhume. Ces derniers, documentés depuis des années, n'ont pourtant pas entraîné le retrait du marché de ces médicaments. Explications.

"On ne risque pas AVC pour un nez bouché." La directrice de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), Christelle Ratignier-Carbonneil, a alerté sur le risque lié à la prise de comprimés antirhume, lundi 23 octobre sur franceinfo. Humex, Dolirhume, Actifed, Nurofen, Rhinadvil… Ces comprimés, qui sont délivrés sans ordonnance, contiennent une substance appelée pseudoéphédrine, qui resserre les vaisseaux sanguins, permettant de décongestionner les sinus. Mais des effets indésirables, allant jusqu'à "des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux, peuvent se produire" après leur ingestion, prévient aussi l'ANSM.

"Le risque est très faible, mais ces événements peuvent se produire quelles que soient la dose et la durée du traitement", ajoute-t-elle. Puisque "le rhume guérit spontanément en sept à dix jours", l'ANSM a donc décidé, pour la première fois, de "déconseiller leur utilisation". Le Collège de la médecine générale, le Conseil national professionnel d'ORL, ainsi que l'Ordre national des pharmaciens et les syndicats de pharmaciens d'officine se sont associés à cette recommandation. La prise de vasoconstricteurs par voie nasale, en spray, n'est pas concernée, cette dernière étant uniquement délivrée sur ordonnance.

Ce n'est pas la première fois que la communauté scientifique alerte sur les dangers des vasoconstricteurs par voie orale, très prisés du grand public. Dès 2006, la revue médicale Prescrire estimait que la prise de médicaments à base de pseudoéphédrine faisait courir des "risques disproportionnés" aux patients. L'intérêt de la molécule est jugé "faible", "compte tenu d'une efficacité insuffisamment établie et du risque cardiovasculaire", écrivait aussi la Haute Autorité de santé en 2012. 

Entre 2012 et 2017, les données de la base nationale de pharmacovigilance ont fait état de "40 cas d'effets indésirables graves avec les vasoconstricteurs oraux, dont deux décès", soulignait l'ANSM en 2017. L'agence notait alors que dans plus d'un tiers (35%) des signalements d'effets indésirables graves, les consignes sur la prise du médicament n'étaient pas respectées (durée supérieure à cinq jours, association de plusieurs vasoconstricteurs, âge inférieur à 15 ans, etc.). Et, dans près de la moitié (45%) des cas, les patients victimes de ces effets indésirables graves "présentaient au moins un facteur de risque cardiovasculaire connu", ce qui aurait dû contre-indiquer la prise du médicament.

Alors que le constat est partagé par de nombreuses autorités scientifiques, pourquoi ces médicaments sont-ils toujours autorisés sur le marché ? "Des mesures ont été prises ces dernières années" pour réguler la consommation des vasoconstricteurs oraux, rappelle à franceinfo Gilles Munier, vice-président du conseil national de l'Ordre des médecins.

En 2017, l'ANSM a interdit la publicité (document PDF) pour ces médicaments. En 2019, puis en 2022 et en 2023, elle a "sollicité l'ensemble des acteurs concernés (usagers, patients et professionnels de santé, puis industriels) afin d'engager les réflexions sur les mesures à mettre en place" en vue de limiter la consommation de ces produits, rappelle l'agence. En 2020, elle a publié deux fiches pratiques, l'une à destination des pharmaciens et l'autre pour les patients (document PDF), pour rappeler les règles encadrant la prise de ces médicaments.

Enfin, en février 2023, l'agence française a saisi l'Agence européenne du médicament (EMA), afin que celle-ci évalue de nouveau le rapport bénéfices/risques des vasoconstricteurs oraux, ce qui pourrait aboutir à une suspension ou à un retrait des marchés européens. "Ces médicaments étant disponibles dans de nombreux autres pays européens, l'ANSM a demandé leur réévaluation au niveau européen", a-t-elle expliqué. Après l'avis de l'EMA, il reviendra à la Commission européenne de prendre une décision sur le retrait ou non du marché des vasoconstricteurs, qui aura force de loi pour les Etats membres.

Les efforts de communication de l'agence française n'ont pas été vains, puisque la consommation des vasoconstricteurs oraux a été divisée par deux, passant de 7,3 millions de boîtes vendues à l'hiver 2016-2017 à 3 millions à l'hiver 2022-2023, selon elle. Mais "la gravité de ces accidents et la persistance des cas", en dépit de la baisse de la consommation, l'ont poussé à franchir un cap en déconseillant purement et simplement leur utilisation, sans attendre une décision européenne.

"L'enquête de l'UE est longue, et ses résultats ne seront pas connus avant plusieurs mois, voire plusieurs trimestres", justifie aussi Gilles Munier. Pour le médecin, il était donc important que le corps médical se prononce sans attendre, "alors qu'on entre dans la période où on rencontre les rhinites saisonnières".

Une appréciation que ne partage pas NèreS, l'association professionnelle qui représente les laboratoires pharmaceutiques. Dans un communiqué (document PDF) publié lundi, elle dénonce "une communication de l'ANSM (…) prématurée et alarmiste", alors que l'évaluation de l'EMA est toujours en cours. Pour lutter contre les mésusages de ces médicaments, elle rappelle "l'importance d'une dispensation contrôlée" des vasoconstricteurs oraux, "en valorisant davantage le conseil et le rôle du pharmacien". "En termes de sécurité, je considère qu'on ne va jamais trop vite", leur a répondu la présidente de l'ANSM sur BFMTV.

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