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Un âge d'or pour les vaccins ? «Il n'y a pas de nouvelles découvertes, c'est surtout l'aboutissement d'une recherche de longue haleine» - Libération

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Selon Jean-Daniel Lelièvre, immunologue et spécialiste de la vaccination, les recherches pour trouver des vaccins contre le Covid-19 ont permis de concrétiser des années de travail et ont bénéficié à la lutte contre d’autres pathologies.

Un deuxième vaccin contre le paludisme, un contre le chikungunya, contre la dengue, contre la bronchiolite, sans compter les espoirs autour des vaccins thérapeutiques, contre le cancer, notamment du pancréas… L’année 2023 a été le théâtre d’avancées majeures dans le secteur de la recherche. Jean-Daniel Lelièvre, immunologiste et spécialiste de la vaccination, revient pour Libération sur les coulisses d’une année si prolifique.

Comment expliquer cette accélération inédite de la recherche autour des vaccins en 2023 ?

Il y a une activité vaccinale très importante cette année mais quand on regarde de plus près, il n’y a pas de choses nouvelles qu’on a découvertes en 2023. C’est surtout l’aboutissement d’une recherche de longue haleine depuis plusieurs années, qui s’est concrétisée avec le vaccin contre le Covid-19, et qui maintenant permet d’aboutir peut-être plus rapidement à d’autres vaccins. En effet, à part celui contre le chikungunya, tous les autres reposent sur des technologies similaires à celles présentes dans le vaccin contre le Covid-19. Plusieurs exemples : le vaccin mis au point par Novavax est notamment la concrétisation de toute la recherche sur les adjuvants [substance ajoutée pour intensifier la réponse immunitaire, ndlr]. Il y a encore quelques années, un seul était utilisé : l’aluminium. Depuis, il doit y en avoir six ou sept. Et c’est le nouveau vaccin contre le paludisme qui a bénéficié de cette recherche puisqu’il est composé du même adjuvant développé par Novavax.

Le vaccin contre la bronchiolite – infection dont le responsable est le VRS – a quant à lui permis de faire avancer la recherche sur la structure de l’antigène – c’est-à-dire la protéine contre laquelle on veut induire une réponse immunitaire. C’est un vaccin sur lequel les chercheurs travaillaient depuis les années 60, mais c’est juste avant la pandémie qu’on est parvenu à mettre au point une forme particulière de la protéine d’enveloppe du VRS, beaucoup plus immunogène. Ces recherches menées avec le vaccin VRS ont été transposées au vaccin anti-Covid-19. Ainsi, les plus efficaces mis sur le marché pendant la pandémie, à savoir ceux développés par Pfizer-BioNTech, par Moderna ou par Novavax, reposent sur l’utilisation de la fameuse protéine Spike, sous forme pré-fusion. Des connaissances qui ont, à leur tour, alimenté les recherches sur le vaccin contre le VRS. Dernier exemple, le nouveau vaccin contre la dengue du laboratoire Takeda reprend la technologie reposant sur l’utilisation d’un vecteur viral, développée par AstraZeneca pendant la pandémie.

La pandémie a aussi propulsé sur le devant de la scène la technologie de l’ARN messager, dont les pionniers Katalin Karikó et Drew Weissman ont été récompensés par le prix Nobel de médecine cette année. En quoi est-ce une révolution ?

C’est un apport majeur dans le champ vaccinal, une révolution même, mais qui ne règle pas tout. La vaccination avec l’ARN messager est très intéressante pour une primo-vaccination. Mais est-ce la meilleure solution pour faire des vaccinations chaque hiver, comme contre la grippe ou contre le Covid-19 ? Ce n’est pas sûr. Car le type d’anticorps qui va être induit n’est peut-être pas optimal au long cours. Peut-être que les vaccins protéiques [qui contiennent un petit composant de l’agent pathogène] seront plus intéressants. C’est ce qu’on appelle le «prime boost hétérologue», c’est-à-dire que pour être le plus efficient possible, il faut se vacciner et se revacciner avec des vaccins différents. Finalement, du côté des vaccins prophylactiques [qui préviennent la maladie], les vaccins à ARN messager sont en compétition avec beaucoup d’autres. Là où ils n’ont à l’heure actuelle aucun compétiteur et où ils présentent les pistes les plus prometteuses, c’est sur les vaccins thérapeutiques [qui induisent une réponse immunitaire contre un agent infectieux déjà présent dans l’organisme ou contre des cellules cancéreuses], comme contre le sida ou le cancer, qui pourraient voir le jour d’ici quelques années.

Au-delà de l’innovation scientifique, la pandémie de Covid-19 n’a-t-elle pas aussi dévoilé au grand jour les enjeux économiques et politiques des vaccins, ce qui aurait pu jouer un rôle crucial dans leur développement actuel ?

Le monde politique s’est aperçu que les retombées économiques étaient énormes et qu’investir dans un vaccin permettait de générer quatorze fois ce que vous avez investi. Oui, il y a aussi un avantage stratégique et politique indéniable : celui qui va avoir des vaccins face à une pandémie, va avoir un pouvoir assez fort sur le reste des autres pays. Mais le plus gros enjeu reste la santé publique. Les maladies neurodégénératives, les problèmes cardiovasculaires, le diabète qui est en train d’exploser, les cancers… Il est évident que les problèmes de santé sont majeurs. Surtout aujourd’hui, avec les évolutions dues au changement climatique.

En Ile-de-France, on a recensé le premier cas de dengue autochtone. On sait que dans les années à venir, la dengue et le chikungunya vont arriver sous nos latitudes. Et pour se défendre contre ces infections, on a très peu de molécules. Avoir des vaccins va donc devenir quelque chose d’important. C’est pour ça qu’en France, un grand institut qui s’appellera France Vaccin est en gestation. En regroupant un très grand nombre d’acteurs, il vise à doter la France en structures de recherche, comme on peut en avoir dans d’autres pays, notamment aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Mais à l’heure actuelle, on ne sait pas à quelle hauteur il va être financé. 50 millions d’euros ? 500 millions ? 1 milliard ? La France affiche des ambitions dans ce domaine : la hauteur des financements alloués demain devront être à la hauteur de celles-ci.

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