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Coronavirus : comment films et séries modèlent notre imaginaire des épidémies - Le Parisien

Tout est parti de Chine et d'un animal, un porc contaminé par une chauve-souris. Baptisé MEV-1, le virus ne tarde pas à se propager dans le monde entier. Le bilan est extrêmement lourd : les morts se comptent par millions.

Il y a tout de même une bonne nouvelle : un vaccin finit par être trouvé contre le virus au cours de la centaine de minutes particulièrement anxiogènes que dure « Contagion ». Car c'est bien de cinéma et de fiction qu'il s'agit.

VIDÉO. La bande-annonce de « Contagion »

Le film de Steven Soderbergh a connu un net regain de popularité ces dernières semaines, crise du coronavirus Covid-19 oblige. Aux Etats-Unis, il s'est même hissé le mois dernier parmi les dix films les plus téléchargés sur iTunes, un exploit pour un long-métrage sorti en salles il y a presque dix ans. Dans la même veine épidémique, le film « Alerte ! » avec Dustin Hoffman, sorti en 1995, s'est aussi retrouvé dans le top 100. Ces deux films ont pour point commun de puiser dans le réel pour donner à voir un danger nouveau (le virus Motaba d'« Alerte ! » évoque Ebola, celui de « Contagion » rappelle le Sras).

La fiction peut aussi anticiper le réel en la matière. Dans son roman « The Eyes Of Darkness » (« Les Yeux des ténèbres »), l'écrivain américain Dean Koontz imaginait déjà en 1981 une pandémie provoquée par un virus né, tel le Covid-19, dans la ville de Wuhan.

L'angoisse du délitement social

Comme bien d'autres œuvres du même genre ou versant dans un registre plus horrifique, leur intérêt ne réside pas forcément dans la crédibilité du virus mis en scène, mais plutôt dans la façon dont ils dépeignent les angoisses que la maladie charrie avec elle. À commencer par la peur de l'inconnu, de ce qui est étranger.

« Un virus n'est pas seulement dangereux par lui-même, explique Laurent-Henri Vignaud, historien des sciences à l'université de Bourgogne. La grippe saisonnière fait aussi des morts. Elle est pourtant acceptée parce qu'elle est connue et intégrée à notre imaginaire social. Le danger est circonscrit dans l'esprit des individus ». Dans quelle mesure un virus est-il mortel ? À quel point est-il contagieux ? En attendant d'avoir des réponses claires, seule prime dans un premier temps la méfiance, voire la peur de l'autre.

Car les conséquences d'une épidémie sur les corps ont beau être criantes, surtout lorsque le dépérissement est aussi spectaculaire que dans les films de zombies, elles sont encore plus dangereuses pour les liens sociaux. Un impact déjà souligné dans l'Antiquité par Thucydide dans « La Guerre du Péloponnèse » dans un passage sur la « peste » frappant Athènes, rappelle Patrick Zylberman, professeur émérite d'histoire de la santé à l'École des hautes études en santé publique. « Évidemment, il ne disposait pas de la science que l'on a aujourd'hui. Sa description de l'épidémie et ses effets sociétaux restent très justes et frappants et elle n'a pas manqué d'être reprise et pillée ».

« Désir de destruction » et « réservoir de connaissances »

Lorsque l'épidémie prend un tour aussi extrême que dans les films de zombie comme « 28 Jours plus tard », ou « Zombie », ou une série comme « The Walking Dead », la perspective d'une guerre de tous contre tous devient une réalité. L'Etat, la police ou bien l'armée deviennent caducs. « La disparition des institutions sociales et politiques […] contraint les quelques survivants à se fixer eux-mêmes leurs règles de vie commune », comme le résume le philosophe Hugo Clémot dans son article « Une lecture des films d'horreur épidémique » publié en 2011.

Dans ces conditions, l'héroïsme individuel est la seule voie de recours. Le dernier lien qui subsiste, celui qu'il est le plus difficile de rompre, reste bien souvent celui entre un parents en son enfant ou entre deux époux.

VIDÉO. La bande-annonce de « 28 Jours plus tard »

Est-ce à dire que la fiction ne peut proposer qu'une dose d'angoisse supplémentaire lorsqu'il s'agit d'épidémie ? Pas aussi simple pour Bertrand Vidal, auteur du livre « Survivalisme ». « En dehors d'un contexte de contagion, ces films disent aussi le désir de catastrophe et de destruction qu'il y a en nous, avance le sociologue. Ce désir de destruction est indissociable de celui de la tabula rasa : figurer la destruction du monde, c'est aussi imaginer l'après, le nouveau monde après la destruction de l'ancien monde. »

Dans le cas très particulier des survivalistes, ces personnes se préparant à un effondrement de la civilisation causé par un ou plusieurs facteurs, ces films et séries sont même l'une des seules et uniques manières d'anticiper ce qu'il va se passer. La fiction se transforme alors en « une réserve de connaissances, une ressource pour le réel », explique Bertrand Vidal. En Amérique du Nord, les « zombies studies » se sont même faufilées jusque dans les rangs de scientifiques très sérieux pour comprendre les épidémies.

Pour un public plus large, une fiction se focalisant sur une épidémie peut même avoir un effet d'autant plus positif qu'elle verse dans l'outrance. « En exagérant le mal dans la fiction, par exemple sous la forme des zombies, cela peut permettre de se rassurer lorsqu'il se produit pour de bon dans la réalité, conclut Bertrand Vidal. C'est une euphémisation du réel par la maximisation du danger. »

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